Dans une société toujours plus connectée mais profondément inégalitaire face au numérique, l’urgence climatique s’aggrave, amplifiée par nos usages digitaux. En ces mois de mars-avril 2025, quatre études importantes paraissent et sont sans appel: la transition numérique doit changer de cap. Le Social Good Accelerator, association qui documente, mobilise et promeut les acteurs de l’ESS numérique, mobilise ses membres et partenaires pour transformer ces défis en opportunités. À travers une approche collective et de mieux en mieux structurée, l’ESS numérique propose des réponses innovantes et solidaires, essentielles à l’inclusion numérique et à la sobriété environnementale – un rôle qui doit gagner en reconnaissance.
Inclusion numérique : le rôle de l’ESS pour combler les inégalité et amplifier les solidarités territoriales
Même si 94 % des Français sont connectés à Internet, 15 % restent éloignés du numérique car incapables d’utiliser les services essentiels en ligne. Plus frappant encore : 36 % rencontrent des freins, faute de compétences numériques de base ou d’équipements adaptés.
L’ESS numérique, avec ses diverses familles, (éducation populaire, plateformes solidaires, communs numériques), s’impose comme un pilier de l’inclusion. Elle soutient les politiques nationales et européennes par des solutions concrètes, adaptées aux territoires et aux publics.
Ces acteurs agissent concrètement sur le terrain, avec les moyens du bord :
- Emmaüs Connect et Solinum facilitent l’accès aux équipements et accompagnent les plus fragiles.
- Les Assembleurs et La MedNum œuvrent pour un maillage territorial renforcé des acteurs de l’inclusion numérique, en coordination avec les politiques publiques. Les acteurs de l’ESS dans le champ de l’inclusion numérique soulignent la nécessité d’alternatives aux démarches dématérialisées et la pérennisation des dispositifs comme Numérique Ensemble.
Impact environnemental : le poids croissant des données (et de l’IA ?)
Le numérique représente désormais 4,4 % de l’empreinte carbone de la France, un chiffre en forte hausse, tiré par la croissance exponentielle des volumes de données et des usages, avec une trajectoire qui pourrait atteindre 7 % d’ici 2040. Longtemps sous-estimé, le poids des données explose : aujourd’hui, les data centers (ou centres de données) représentent près de 46 % de l’empreinte carbone du numérique, contre seulement 16 % en 2020. Cette évolution s’explique par la croissance fulgurante des usages : streaming, cloud, intelligence artificielle générative, etc. Le stockage et le transfert de données deviennent ainsi les principaux responsables de l’impact environnemental du numérique.
Si la fabrication des terminaux reste le principal poste d’émissions (50 %, en baisse par rapport aux data centers quoique les émissions totales connaissent une en forte hausse), l’impact des infrastructures de données – en particulier les centres de données – connaît une progression spectaculaire, notamment sous l’effet du développement de l’intelligence artificielle (IA) générative. Depuis fin 2022, l’IA générative (comme ChatGPT) s’est imposée à une vitesse inédite : 1 million d’utilisateurs en 5 jours, 100 millions en 2 mois, et aujourd’hui plus de 400 millions de visites hebdomadaires. Cette adoption massive a accéléré la demande en puissance de calcul et en stockage, poussant les acteurs du numérique à investir massivement dans de nouveaux centres de données et serveurs toujours plus puissants.
Selon le rapport intermédiaire du Shift Project (mars 2025), la consommation électrique mondiale des centres de données pourrait passer de 460 TWh en 2022 à 1050 TWh d’ici 2026. En France, les nouveaux projets de centres de données dédiés à l’IA pourraient demander une augmentation de puissance installée supplémentaire dans la décennie à venir. Cette évolution place certains sites (Ile-de-France, Grand Est, etc…) au même niveau de consommation énergétique que des industries lourdes comme la sidérurgie. L’impact carbone de l’IA ne se limite pas à l’énergie : il englobe aussi la fabrication et le renouvellement accéléré des équipements (serveurs, processeurs, terminaux), la consommation d’eau pour le refroidissement, et l’artificialisation des sols liée à la construction de nouveaux centres de données. En plus, la consommation des IA génératives restent difficiles à comprendre, comme l’a prouvé Sam Altman, le PDG de OpenAI, en confirmant sur X que l’entreprise aurait perdu des “dizaines de millions de dollars” en coût d’électricité à cause des utilisateurs qui seraient “polis” avec ChatGPT.
Le Shift Project estime que les émissions de gaz à effet de serre des centres de données pourraient atteindre entre 500 et 900 MtCO₂e au niveau mondial, soit augmenter de 80 % à 200 % d’ici 2030.
Là encore, des acteurs de l’ESS numériques proposent des solutions :
- Emmaüs Connect, Commown, Télécoop, ADB Solidatech, Ecodair, la Fédération Envie réinventent l’usage des équipements via la location et le reconditionnement, y compris pour les plus fragiles
- Data for Good et Latitudes développent des outils de mesure et d’optimisation de l’empreinte environnementale et plaident pour un usage raisonné de l’IA.
- Open Food Facts, par le biais de son étiquetage environnemental, pourrait délivrer un label public de qualité pour les produits reconditionnés, indiquant également l’impact social et environnemental du reconditionneur.
La famille ESS numérique de l’économie circulaire, soutenue par notre réseau, joue un rôle clé en structurant des filières locales et durables, créatrices d’emplois.
L’ESS numérique : s’allier pour un numérique équitable, souverain et durable
Nos actions s’inscrivent dans un écosystème riche :
- Éducation populaire : formation numérique avec Les Assembleurs, Solinum.
- Alternatives télécom : Télécoop innove en proposant un opérateur coopératif.
- Communs numériques : Open food facts, Data for Good, Emmaüs Connect construisent des bases de données ouvertes pour la transition environnementale.
- Économie circulaire : Label Emmaüs développe des plateformes éthiques.
Chaque famille apporte une réponse spécifique, mais leur synergie est notre force. Ensemble, elles renforcent la capacité d’agir de l’ESS face aux défis numériques contemporains.
Il reste un chemin considérable à parcourir. Malgré 75 % des foyers connectés à la fibre ou au câble, des disparités territoriales subsistent. Des acteurs associatifs comme les Fournisseurs d’accès à internet associatifs œuvrent pour couvrir les zones mal desservies par les acteurs publics et les opérateurs économiques.
Selon l’Ademe, 78 % de l’empreinte carbone d’un PC est liée à sa phase de fabrication. Si une prise de conscience est observée pour les smartphones (27 % sont conservés plus de 3 ans), on ne peut pas en dire autant pour le matériel informatique. En effet, la moitié des smartphones (52%) prennent la poussière alors qu’ils pourraient être revalorisés par des acteurs locaux de l’insertion. Ainsi, ils permettraient la création d’emplois à forte valeur ajoutée économique, sociale et environnementale non délocalisables sur les territoires
Le Social Good Accelerator et ses partenaires, forts de leur expertise, s’engagent à amplifier cette dynamique. Nous appelons à un soutien renforcé des politiques publiques pour une transition numérique humaniste, fondée sur la coopération, l’innovation sociale et l’engagement écologique.
Notre projet phare pour 2025 : documenter les familles de l’ESS numérique pour créer de la connaissance, objectiver leur poids dans l’économique et la transition environnementale juste et mieux co-construire les solutions de demain.
Rejoignez le mouvement et contribuez avec nous au développement et à la promotion de l’ESS numérique !
Les quatre études parues en mars-avril 2025 sur l’impact environnemental et social du numérique :
La 4e édition de l’enquête annuelle “Pour un numérique soutenable” de l’Arcep (avril 2025). Cette étude approfondit l’empreinte carbone du numérique en France, avec une attention particulière à la progression des émissions liées aux centres de données et à l’impact croissant de l’intelligence artificielle. Elle intègre pour la première fois les données de 21 opérateurs-hébergeurs représentant la moitié des datacenters français. Cette mise à jour élargit le périmètre d’évaluation de l’empreinte carbone du numérique, en incluant notamment les usages français hébergés dans des centres de données à l’étranger. Elle fournit des chiffres actualisés sur la répartition des émissions entre terminaux, data centers et réseaux.
L’évaluation prospective de l’impact environnemental du numérique en France à horizon 2030 et 2050 (Arcep et Ademe, avril 2025). Ce rapport, remis au gouvernement, alerte sur la croissance exponentielle de l’empreinte carbone du numérique si aucune action n’est entreprise.
Le Baromètre du numérique, publié chaque année, est une étude de référence qui dresse un état des lieux détaillé des usages, des équipements et des inégalités numériques en France. Réalisé par le Crédoc (Centre de Recherche pour l’Étude et l’Observation des Conditions de Vie), ce baromètre est commandité par plusieurs institutions publiques : l’ARCEP (Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse), l’ARCOM (Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique), le Conseil général de l’économie (CGE), et l’Agence Nationale de la Cohésion des Territoires (ANCT). Ces organismes, engagés dans la régulation et la cohésion numérique du territoire, s’appuient sur les résultats du baromètre pour orienter les politiques publiques en matière d’inclusion et d’accessibilité numérique. L’édition 2025 met en lumière les progrès réalisés, mais aussi les persistantes fractures numériques, notamment sociales et territoriales, qui appellent des actions ciblées et concertées.
Rapport intermédiaire du Shift Project : “Intelligence artificielle, données, calculs : quelles infrastructures dans un monde décarboné ?” (mars 2025). Ce rapport analyse l’impact énergétique et climatique de l’essor de l’intelligence artificielle, en particulier de l’IA générative, sur les infrastructures numériques. Il met en lumière l’explosion de la consommation électrique des data centers et les risques de concurrence directe avec d’autres besoins essentiels de la transition énergétique.
Sources additionnelles:
Rapport d’information de la mission d’information sur l’empreinte environnementale du numérique. Ce rapport produit par le Sénat détaille l’empreinte environnementale du numérique en france.