Internet éthique et souveraineté numérique en Europe

Internet éthique et souveraineté numérique en Europe

Les optimistes de l’internet auraient-ils survécu ?

Étaient-ils au Next Generation Internet Forum 2025 à Bruxelles les 19 et 20 juin ? Nous ne l’écartons pas. En effet, ce que nous retenons après cet événement, c’est que de nombreux projets et leurs porteur·euses œuvrent pour rendre le digital européen – si ce n’est pas ‘parfait’ – meilleur.

L’internet éthique et souveraineté numérique sont des enjeux majeurs pour l’Europe. Alors que la technologie évolue à un rythme rapide, il est crucial que l’Europe conserve son pouvoir sur son écosystème numérique. Cet article explore comment l’Open Internet Stack et les initiatives européennes œuvrent pour une IA éthique qui protège les droits des citoyens tout en favorisant une souveraineté numérique européenne.

Ainsi, ce constat vient après le #NGIForum25, un événement auquel l’équipe du Social Good Accelerator a assisté. Jeanne, Clarisse et Eline ont représenté l’organisation.

Le thème du forum était : “Building a European Internet Stack for European Digital Sovereignty” (Construire une Pile Internet Européenne pour la Souveraineté Digitale Européenne). Ce forum a permis de découvrir l’avancement des projets financés par l’initiative Next Generation Internet (NGI). De plus, ces présentations ont ouvert la voie à des discussions sur des sujets transversaux importants pour les porteur·euses de projets. Les débats ont abordé des sujets allant des challenges du design centré sur les utilisateurs aux moteurs de recherche, en passant par les besoins politiques et les plaidoyers.

L’initiative Next Generation Internet et la place de SOGA dans la souveraineté numérique européenne

La Commission Européenne a lancé le NGI pour soutenir la puissance numérique de l’Europe. Ce projet s’aligne parfaitement avec les sujets chers à SOGA. En effet, nous y avons croisé de nombreux partenaires. Parmi les 1 400 projets numériques soutenus par le NGI, nous avons trouvé des projets comme Open Food Facts, un commun numérique dont les valeurs s’accordent avec celles de l’initiative. Par ailleurs, nous avons aussi rencontré des projets européens comme Mastodon. Lors de l’événement, nous avons échangé avec des acteurs institutionnels tels que la Direction interministérielle du Numérique et la DG Connect.

La Commission Européenne souhaite construire un internet européen axé sur la confiance, la sécurité et l’inclusion. Cependant, ces projets posent la question de la souveraineté numérique européenne, un sujet central du forum.

Pourquoi faudrait-il une souveraineté digitale ?

Des événements récents, comme l’achat de Twitter par Elon Musk, ou le scandale Cambridge Analytica, illustrent bien cette problématique. Alexandra Geese, lors de son intervention au forum, rappelle que les données sont synonymes de pouvoir. “Data is the new oil“, (“Les données sont le nouveau pétrole”) dit-elle. Ainsi, ules instances européennes prennent conscience qu’il est temps de reprendre le pouvoir des données, pour les institutions locales et les citoyen·ne·s.

Un·e panéliste souligne que le web actuel est un compromis inégal. Nous obtenons des services digitaux en échange de nos données personnelles. Or, en tant qu’Européen·ne·s, nous sommes en train de perdre ce compromis. 

Les instances européennes prennent conscience qu’il est temps de reprendre le pouvoir des données, pour les institutions locales et les citoyen·ne·s.

Un·e panéliste fait remarquer que le web actuel repose sur un compromis inégal. En effet, nous échangeons nos données personnelles contre des services digitaux. Cependant, les Européen·ne·s sont en train de perdre ce compromis. Ce constat fait écho à celui rapporté dans l’avis de la Commission Supérieure du Numérique et des Postes, rédigé par Jeanne Bretécher et intitulé “Communs numériques : vers un modèle souverain et durable” :

L’hégémonie des très grandes plateformes conduit les citoyens, les travailleurs indépendants, les petites et moyennes entreprises ainsi que les acteurs publics, à une situation de dépendance vis-à-vis de leurs produits et à la captation des données et de la valeur qu’ils créent. Cette asymétrie des rapports avec ces plateformes menace, à des degrés divers, la souveraineté de l’action publique.

La solution réside dans la souveraineté européenne. Il est donc nécessaire que les États et les instances de gouvernance régulent la gestion des données, la modération et l’utilisation des outils numériques sur leur territoire.

L’Open Internet Stack : oignon numérique

L’une des solutions proposées pour restaurer la souveraineté numérique est l’Open Internet Stack (OIS), ou Pile Internet Ouverte. Ainsi, pour illustrer ce concept, l’un·e des panélistes a utilisé l’image d’un oignon : internet est composé de plusieurs couches. Pour changer le web, il faut changer chaque couche.

De ce faur, l’objectif de l’OIS est de remplacer ces couches par des solutions open source, libres et interopérables. Ces solutions sont développées avec l’utilisateur·rice à l’esprit et un code éthique clair. Une fois l’oignon reconstruit, les utilisateurs auront plus de pouvoir sur leurs outils numériques. Ils n’auront plus à dépendre des solutions commerciales privées.

Thibaut Kleiner, directeur de la DG Connect, affirme que l’OIS représente une solution concrète pour transformer l’écosystème digital en un cyberespace libre, durable et interopérable.

Un internet ouvert, et européen

Les projets NGI présentés lors du forum démontrent la volonté de transformer nos usages du numérique. Ces projets prouvent aussi que des solutions existent déjà. De plus, les talents derrière ces initiatives sont prêts à relever le défi. L’objectif européen, présenté par Thibaut Kleiner, consiste à capitaliser sur les 1 400 projets NGI pour accélérer le déploiement de solutions ouvertes et viables. Cet objectif prend forme à travers le projet Eurostack.

À l’image de l’OIS, l’Eurostack propose des alternatives ouvertes à toutes les couches de l’internet. En somme, un oignon 100% européen, cultivé avec des matériaux locaux. Cela permettrait aux acteurs européens d’avoir un contrôle quasi absolu sur l’espace digital et de reprendre le pouvoir.

Cependant, cette solution souveraine soulève des enjeux. Un des leitmotivs du forum est l’importance des investissements. Que ce soit financier ou humain, l’Eurostack et l’OIS nécessitent des ressources pour se développer. Ils doivent se faire connaître et être viables sans capitaliser sur les données personnelles.

Un autre enjeu soulevé lors du forum est la nécessité d’un soutien politique. Cela inclut un plaidoyer fort, une résistance contre les lobbies des grandes plateformes, et des législations concrètes autour du Open Source. Par exemple, il serait essentiel de systématiser l’usage de solutions libres dans le secteur public.

La vision d’une Europe souveraine, ou d’une Europe autonome

Le terme “souveraineté” peut prêter à confusion. Certains panélistes rappellent que l’objectif n’est pas de cloisonner l’internet européen. Un·e participant·e propose l’alternative de l’autonomie stratégique européenne. L’objectif est de rééquilibrer les rapports de force sur les outils numériques. Thibaut Kleiner insiste sur le fait que la souveraineté n’est pas une question de protectionnisme, mais de prospection vers l’avenir et de valorisation des talents européens.

Œuvrer pour l’autonomie stratégique et les communs, à notre échelle

Cette vision de l’autonomie stratégique plutôt que de la souveraineté est partagée par d’autres acteurs, comme la Coop des Communs. L’association organise un événement à Paris le 1er juillet, intitulé “Pour une autonomie numérique fondée sur les communs”. SOGA interviendra lors de cet événement sur les communs numériques et le droit européen.

Que ce soit pour la souveraineté ou l’autonomie stratégique européenne, pour soutenir un numérique au service du bien, dans des événements comme le NGI Forum ou les rencontres de la Coop des Communs, c’est en soutenant le SOGA que vous pouvez participer à cette transformation.

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Dynamiser l’économie sociale par le numérique

Dynamiser l’économie sociale par le numérique

Dynamiser l’économie sociale par le numérique : les recommandations de la Commission européenne

Avec la montée en puissance du numérique dans nos sociétés, il devient impératif d’assurer l’adaptation de l’économie sociale à cette transformation majeure.
Loin de la recherche effrénée du profit, l’économie sociale occupe une place essentielle en plaçant l’humain, les enjeux sociaux et environnementaux au cœur de son action.

Pour permettre à ce secteur dynamique de s’épanouir pleinement, la Commission européenne a présenté en décembre 2021 un plan d’action ambitieux pour l’économie sociale.
Au cœur de ce plan figure une recommandation du Conseil, adoptée le 13 juin 2024, qui vise à créer les conditions-cadres nécessaires au développement de l’économie sociale en Europe.

Notre analyse se concentre sur les propositions numériques clés de cette recommandation — des mesures innovantes qui ouvrent de nouvelles perspectives pour l’économie sociale à l’ère digitale.

people pointing to a computer to collaborate on a joint project

Renforcer les compétences numériques dans l’économie sociale

Pour réussir les transitions numérique et écologique, il est essentiel de développer les compétences numériques au sein de l’économie sociale.
La Commission encourage les États membres à soutenir la formation, les échanges d’expériences et le développement de compétences managériales, entrepreneuriales et digitales adaptées à un environnement en constante évolution.

Exemple concret : la Social Tech Academy.

Le Social Good Accelerator pilote la Social Tech Academy, programme de référence pour la montée en compétences numériques des acteurs de l’économie sociale.
Ouvert, collaboratif et accessible, ce programme vise à outiller les structures de l’ESS et leurs bénéficiaires — notamment les jeunes et les personnes éloignées de l’emploi — pour une transition numérique inclusive et professionnalisante vers les métiers du “Social Tech”.

Relier politique industrielle et transition numérique

Pour stimuler l’innovation sociale et un développement économique durable, il est crucial d’intégrer les objectifs de l’économie sociale dans les politiques industrielles.
Cette articulation facilite la transition vers une économie circulaire et numérique, où les acteurs coopèrent pour maximiser l’impact social positif.

L’intégration de ces objectifs favorise :

  • la création d’emplois durables,

  • la promotion de l’entrepreneuriat social,

  • et la réduction des inégalités.

En combinant ces dynamiques dans les stratégies industrielles, l’Union européenne trace la voie d’un avenir plus inclusif et équitable, où performance économique et utilité sociale se renforcent mutuellement.

Encourager le développement des initiatives communautaires

La Commission européenne soutient activement le déploiement d’initiatives communautaires au sein de l’économie sociale.
Celles-ci prennent la forme de :

  • communautés énergétiques,

  • solutions de mobilité partagée,

  • plateformes coopératives numériques,

  • coopératives agricoles et circuits courts alimentaires.

Ces initiatives renforcent la cohésion sociale et territoriale en permettant aux citoyens d’accéder à des produits et services locaux tout en participant à des modèles économiques durables.

Dans cette optique, la Commission a lancé le Portail européen de l’économie sociale et numérique : un guichet unique en ligne pour accéder à des informations sur les financements européens, formations, événements et opportunités par pays.

Renforcer l’accès aux outils numériques et aux technologies émergentes

Pour prospérer dans un environnement numérique en constante mutation, les structures de l’économie sociale doivent avoir accès à des outils technologiques avancés.
L’usage de l’open source, du big data et de l’intelligence artificielle responsable permet d’améliorer l’efficacité, la productivité et l’impact social des organisations.

Exemple inspirant : TechSoup fournit des licences logicielles à des milliers d’associations en Europe, leur permettant d’accéder à des outils numériques performants et abordables, renforçant ainsi leur capacité d’action sociale.

Ouvrir l’accès aux marchés et à la commande publique

La Commission européenne encourage une coopération accrue entre entreprises sociales et entreprises classiques, notamment via les technologies numériques qui facilitent l’accès aux marchés privés et publics.
Cette collaboration permet d’amplifier la portée sociale et environnementale des initiatives de l’économie sociale.

Pour accompagner cette dynamique, la Commission préconise :

  • des mécanismes de soutien spécifiques,

  • des formations dédiées à la commande publique responsable,

  • et des incitations financières favorisant les partenariats inclusifs.

Ces mesures ouvrent la voie à de nouvelles opportunités économiques et sociales, tout en facilitant l’intégration professionnelle des personnes vulnérables grâce à la formation et à l’emploi adapté.

L’appui européen aux recommandations numériques : les Transition Pathways

Au cœur de la mise en œuvre de ces recommandations se trouvent les Transition Pathways, un cadre stratégique conçu pour accélérer la transition numérique de l’économie sociale.
Ce processus collaboratif, développé avec le Social Good Accelerator et des centaines d’acteurs européens, définit les étapes clés pour accompagner le changement.

Les Transition Pathways offrent :

  • une méthodologie inclusive et coopérative,

  • une feuille de route claire pour la transformation numérique,

  • et des mesures adaptées pour garantir un avenir numérique durable et équitable.

Cet outil constitue désormais un levier central des politiques européennes en matière d’économie sociale et de transition digitale.

Les impacts attendus de ces recommandations

Ces propositions sont actuellement discutées par le Conseil de l’Union européenne, en vue d’un accord politique commun.
Une fois adoptées, les États membres auront 18 mois pour adapter ou créer leur stratégie nationale de l’économie sociale, intégrant ces priorités numériques.

La Commission assurera ensuite un suivi régulier de leur mise en œuvre, en lien avec le Comité de l’emploi et le Comité de la protection sociale, afin de mesurer les effets concrets et d’ajuster les politiques selon les besoins observés.

Ces recommandations marquent une étape majeure pour faire de l’économie sociale un moteur de la transition numérique européenne, fondée sur l’inclusion, la durabilité et la coopération.

Social Economy Action Plan: a first awareness on digital transition?

Plan d'action pour l'économie sociale: une prise de conscience pour une transition numérique ?

Plan d'action pour l'économie sociale: une prise de conscience pour une transition numérique ?

‘An impressive public policy launched by the EU, which offers a positive project for the EU’. With these words, the team of our partner Social Economy Europe welcomed the Social Economy Action Plan, which will significantly improve a sector in which 6.3% of the EU population is employed. 38 concrete actions will be put in place over the next 9 years to help a sector that is destined to be more and more present in the daily life of EU citizens. One month after the presentation of this plan by Commissioners Schmit and Breton, let’s take a look at some of the highlights of this unprecedented, innovative and ambitious policy document.

Finals Social Economy Awards
De gauche à droite : A l'occasion de la présentation du plan d'action à Bruxelles, le 16 décembre 2021, Marta Lozano Molano (Wazo Cooperative), Tamsin Rose (animatrice), Sofi Fridland (Just Arrived) et Stefan van Tulder (Talent Data Labs) discutent au sujet des nouvelles formes de collaboration existantes au sein de l'ESS.
Source: Commission européenne
Conference FNAF 2021
Deux personnes du public discutent avant la présentation du plan d'action pour l'économie sociale, à Bruxelles, le 16 décembre 2021
Source: Commission européenne

Entre objectifs et actions concrètes, un plan ambition pour l'Union européenne
Dans sa volonté d’inclure les personnes les plus désavantagées dans les marchés du travail et dans la société, « l’économie sociale est un véritable pilier qui offre des services essentiels » à ces mêmes groupes. Nombre de citoyens et de citoyennes de l’Union ont accès à un emploi durable grâce à cette même économie sociale. En effet, selon les Etats, entre 0,6 et 9,9% de la population travaille dans ce secteur essentiel. Cependant, malgré l’importance du secteur et des valeurs qu’il préconise, l’économie sociale reste inconnue pour bien trop de monde.

Néanmoins, le plan d’action mentionne explicitement les formes juridiques des organisations du secteur: coopératives, fondations, entreprises sociales, mutuelles, et autres, entre bien dans le cadre de ces nouvelles réglementations. Des mesures seront mises en place pour faciliter le travail des organisations transfrontalières dans le secteur, tant sur le point de vue législatif que sur leur taxonomie. Ces mesures permettront notamment de mieux ancrer l’économie social aux niveaux régional et local.

En parallèle à cette problématique, la transition écologique et numérique auront véritablement une place clé dans l’économie sociale européenne de demain. La route est encore longue pour y arriver, même si les ambitions du plan d’action sont fortes pour donner aux structures de l’économie sociale les clés pour se développer. Plusieurs points font notamment écho à ce que le Social Good Accelerator préconise depuis sa création en 2018.

Améliorer l’accès aux financements
Le plan d’action à l’économie sociale rime avec changements de ligne des budgets européens en la matière. Sur deux périodes de fonds structurels d’investissements, les différences se feront ostensiblement sentir. En effet, sur la période 2014-2020, près de 2,5 milliards d’euros ont été mobilisés pour l’économie sociale à l’échelle de l’Union. Pour la période suivante, la Commission européenne a fait savoir son intérêt pour une augmentation des budgets en la matière. Ces ambitions s’ancrent dans un objectif double de développer l’économie sociale, mais aussi d’aller vers le succès des prochains grands rendez-vous européens pour le secteur.

En 2023, le Conseil de l’UE devrait avoir adopté toutes les recommandations nécessaires au développement de l’économie sociale, avant d’adopter un nouveau portail unique pour le secteur, qui sera lancé en 2030.
Ces dates semblent certes éloignées, mais elles s’ancrent dans un réalisme certain. Ces outils seront adoptés à une période où l’économie sociale aura une place bien plus importante à l’échelle du continent qu’aujourd’hui.

ActSE 2021 SOGA
Deux personnes du public discutent avant la présentation du plan d'action pour l'économie sociale, à Bruxelles, le 16 décembre 2021
Source: Commission européenne
Gabriela Martin ActSE
Juan Antonio Pedreño (Social Economy Europe) soutient l'implémentation du plan d'action par à travers des initiatives citoyennes. Il a aussi décrit les perspectives éventuelles de l'économie sociale sur le continent.
Source: Commission européenne

Vers une transition numérique de l'économie sociale ?
Dans l’objectif d’être neutre en carbone d’ici 2050, l’Union européenne mise sur les énergies renouvelables, mais aussi sur la transition numérique. Pourquoi donc ? La raison est simple : l’économie sociale contribue à la diffusion de bonnes pratiques, et saura offrir une réponse à l’essor de l’économie circulaire et collaborative, et ce, dans toutes les sphères de la société. 

Cette volonté s’inscrit par ailleurs dans la continuité du pilier européen des droits sociaux, présenté en 2017 au sommet de Göteborg (Suède). L’un des points clés de cet engagement est d’offrir des compétences numériques de base à 80% des 16-74 ans à l’échelle de l’Union. Dans cette volonté d’être l’une des sociétés les plus équitables au monde, les pouvoirs publics européens ont en tête l’importance de mettre fin à la fracture numérique existante par des activités de médiation, d’éducation et d’acculturation aux outils du même secteur.

Répliquer des exemples de réussite pour garantir une transition équitable
Pour contribuer à renforcer ce pilier, le plan d’action mise sur le numérique pour permettre à l’économie sociale de se développer pleinement dans le marché unique. Les outils numérique peuvent notamment permettre aux organisations sociales de passer d’un échelon local à national voire européen.

Plusieurs Etats membres ont sur leur territoire des initiatives inspirantes de transformation sociale et numérique qui peuvent être répliqués ailleurs. Sur le point de la gouvernance, par exemple, nombre sont les outils permettant d’aller vers un modèle plus participatif, intégrant davantage les citoyennes et citoyens.

Au niveau des collectivités locales, les coopérations interrégionales se doivent d’être renforcées « pour garantir et stimuler cette transition numérique », indique le plan d’action.

ActSE 2021 SOGA
Le commissaire Schmit a détaillé le plan d'action à la presse européenne quelques jours avant la présentation publique
Source: Commission européenne
Gabriela Martin ActSE
Les commissaires Breton et Schmit présentent le plan d'action pour l'économie sociale à Bruxelles, le 16 décembre 2021
Source: Social Good Accelerator

Le rôle des acteurs de l’économie sociale impliqués dans la Tech4Good est lui aussi particulièrement souligné. Leur rôle dans le déploiement de technologies numériques est décrit comme primordial dans un impact plus global de rendre le secteur toujours plus social et écologique. Ainsi, ce type particulier d’acteurs permet de favoriser aussi des nouveaux modèles d’entreprises numérique ou de coopérations. C’est sur ce point particulier qu’est soulignée l’importance de l’économie collaborative et de celle des plateformes, au coeur d’un processus de redynamisation de l’échelon local.

Maximiser la contribution de l’économie sociale aux transitions écologique et numérique
En se présentant en plusieurs points et objectifs concrets, le plan d’action souligne le rôle que le secteur a à jouer pour aller vers une transition verte et numérique. Ces transitions permettront notamment d’offrir aux citoyennes et aux citoyens une avenir numérique basé sur l’humain, la durabilité et la prospérité. Elles servent ainsi de véritable pivot pour reproduire et réappliquer des initiatives fructueuses à d’autres localités.

Enfin, le rôle du numérique est souligné dans l’importance de l’amélioration des conditions de travail dans l’économie sociale, mais pas que. Des pratiques telles que la gestion ou le traitement de données restent malheureusement encore marginales dans le secteur, bien que la pertinence de leur utilisation n’est plus à prouver. C’est l’une des raisons pour lesquelles des entreprises sociales (comme les accélérateurs de transformation numérique) cherchent à rendre ces outils numériques plus accessibles et abordables, notamment pour des structures qui parfois ont des moyens modestes. Reste à savoir comment ces ambitions seront traduites législativement aux niveaux européen et nationaux.

Économie sociale : de la marge au cœur de l’économie mondiale

Économie sociale : de la marge au cœur de l’économie mondiale

Économie sociale : de la marge au cœur de l’économie mondiale

Du 13 au 16 septembre 2021, le Social Good Accelerator (SOGA) a eu le plaisir de participer à la première conférence internationale du programme Global Action de l’OCDE, consacrée à la promotion des écosystèmes de l’économie sociale dans le monde.

Lancé en 2020 et financé par l’Instrument de partenariat extérieur de l’Union européenne, ce programme couvre plus de 30 pays sur trois ans, incluant l’ensemble des États membres de l’UE ainsi que le Brésil, le Canada, l’Inde, la Corée, le Mexique et les États-Unis.

Cet événement a réuni des centaines de décideurs, chercheurs et praticiens de l’économie sociale autour d’un objectif commun :

renforcer la résilience, la durabilité et l’impact social des modèles économiques solidaires à l’échelle mondiale.

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Aperçu de l'événement organisé par l'OCDE du 13 au 16 septembre 2021.
Source: UNSSE

L’économie sociale, moteur de résilience et de relance post-Covid

Le programme OECD Global Action est né d’un constat partagé :
l’économie sociale est l’un des leviers les plus puissants pour répondre aux inégalités croissantes, au chômage et aux enjeux environnementaux.

L’OCDE et la Commission européenne promeuvent une conviction commune :

l’économie sociale constitue une voie privilégiée vers une croissance inclusive, durable et résiliente.

Les objectifs du programme sont triples :

  • Soutenir le développement et l’internationalisation des entreprises sociales ;

  • Renforcer les capacités et la coopération pour créer des écosystèmes nationaux et locaux favorables à leur essor ;

  • Favoriser les échanges de connaissances et de bonnes pratiques au niveau international.

Les discussions, animées notamment par Nicolas Schmit (commissaire européen à l’emploi et aux droits sociaux), Olivia Grégoire (secrétaire d’État à l’économie sociale et solidaire), Guy Ryder (directeur général de l’OIT) et Víctor Meseguer (directeur de Social Economy Europe), ont mis en lumière le rôle croissant de l’économie sociale dans la reconstruction économique et sociale post-Covid.

Un levier international pour un développement durable et inclusif

Longtemps perçue comme marginale, l’économie sociale est désormais au cœur des politiques publiques.
Les gouvernements reconnaissent de plus en plus son potentiel d’innovation, de création d’emplois et de cohésion sociale.

Selon Nicolas Schmit, l’économie sociale représente déjà entre 1 % et 10 % du PIB des États membres de l’Union européenne, et ses entreprises créent près de 10 % des emplois européens — des emplois de qualité favorisant l’inclusion des publics vulnérables.

Pour l’OCDE, le défi est désormais clair : accroître la visibilité du secteur et soutenir les réseaux de coopération afin de passer d’une “économie alternative” à une économie de référence.
L’économie sociale n’est plus un modèle parallèle, mais une solution économique complète, capable de concilier valeur, justice et durabilité.

Trois leviers pour développer l’économie sociale selon Olivia Grégoire

La secrétaire d’État à l’Économie sociale et solidaire, Olivia Grégoire, a identifié trois axes majeurs pour faire passer l’économie sociale “de la marge au cœur” :

1️⃣ Simplification

Les acteurs de l’économie sociale doivent pouvoir accéder plus facilement aux financements européens.
Les délais entre la demande et l’obtention de subventions restent trop longs.
Olivia Grégoire propose de créer des guichets dédiés et des guichets uniques européens pour les structures de l’ESS, afin de faciliter l’accès aux aides et la reconnaissance de leur modèle spécifique.

2️⃣ Coopération

La coopération est l’ADN de l’économie sociale.
Olivia Grégoire a cité l’exemple d’Acome, une SCOP leader sur le marché européen des réseaux, qui concurrence les modèles américains et chinois grâce à son innovation coopérative.
Pourtant, faute de systèmes de reconnaissance mutuelle, son développement reste freiné à l’international.
La création de cadres réglementaires européens adaptés est donc indispensable.

3️⃣ Innovation

Le financement de l’innovation sociale passe par des outils hybrides.
Parmi eux : les Social Impact Bonds (obligations à impact social), qui associent acteurs publics et privés pour financer des projets selon leurs résultats sociaux et environnementaux.
Ce modèle de partenariat basé sur la performance pourrait accélérer le financement de la transition solidaire.

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Le château de la Muette à Paris, l'un des principaux bâtiments du siège de l'Organisation de coopération et de développement économiques.
Source: MySociety, Flickr
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Membres fondateurs (bleu foncé) et membres (bleu clair) de l'OCDE

Vers une reconnaissance mondiale de l’économie sociale

Comme l’a rappelé Guy Ryder (Organisation internationale du travail), les organisations de l’économie sociale sont au cœur de la relance économique mondiale.
L’OIT a d’ailleurs publié 93 recommandations pour guider les politiques publiques vers plus de justice, solidarité et responsabilité sociale.

Pour Patrizia Toia, députée européenne,

« l’économie sociale est un trésor pour l’humanité ».

Et pour Olivia Grégoire,

« il est temps d’ouvrir les fenêtres et les portes de la maison de l’économie sociale, afin qu’elle ne représente plus 10 % du PIB mais 30 % — ce dont elle est pleinement capable. »

FAQ — Économie sociale mondiale et coopération internationale

Qu’est-ce que le programme Global Action de l’OCDE ?

Le programme Global Action vise à renforcer les écosystèmes de l’économie sociale à l’échelle mondiale.
Financé par l’Union européenne, il couvre plus de 30 pays pour soutenir, internationaliser et visibiliser les entreprises sociales.

Pourquoi ce programme est-il important ?

Parce qu’il positionne enfin l’économie sociale comme moteur central de croissance inclusive.
Il favorise la coopération internationale, la création d’emplois durables et la réduction des inégalités, tout en s’alignant sur les objectifs de développement durable (ODD).

Quels sont les principaux défis du secteur ?

Les freins identifiés sont :

  • la complexité administrative et le manque d’accès au financement,

  • l’absence de reconnaissance mutuelle entre pays,

  • et la faible capacité d’innovation technologique du secteur par manque d’investissements.

Comment l’Union européenne soutient-elle l’économie sociale ?

L’Union européenne agit à travers :

  • le Plan d’action européen pour l’économie sociale (2021),

  • les fonds structurels (FEDER, FSE+),

  • et des programmes dédiés à la digitalisation et à la formation des acteurs de l’ESS (comme ceux du SOGA).

Quel rôle joue le Social Good Accelerator ?

Le SOGA agit comme interface entre la tech et l’économie sociale.
Il participe à des initiatives internationales, mène des projets européens (comme le Social Tech Atlas et la Social Tech Academy) et plaide pour une transition numérique coopérative et inclusive.

Vers un statut européen pour les organisations à but non lucratif — Social Good Accelerator

Vers un statut européen pour les organisations à but non lucratif — Social Good Accelerator

Économie sociale : bientôt un statut européen pour les organisations à but non lucratif transfrontalières ?

Les formes juridiques les plus courantes d’organisations à but non lucratif (OBNL) en Europe sont les associations et les fondations.
Si ces deux statuts sont les plus clairement définis dans les différents codes juridiques européens, ils sont loin d’être les seuls à exister dans les États membres.

Le Comité des affaires juridiques (JURI) du Parlement européen a récemment publié un rapport de référence sur ce sujet, ouvrant la voie à de nouvelles avancées législatives pour la reconnaissance européenne des organisations à but non lucratif transfrontalières.
Tour d’horizon des constats et des solutions envisagées.

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Réunion informelle des ministres de la Justice et des Affaires intérieures à Ljubljana, en Slovénie. Le président de la commission JURI, M. Adrián Vázquez Lázara, a également participé à cette réunion.
Source: JURI Committee Press, Twitter

Vers une utilisation plus large des statuts existants dans l’économie sociale

À mesure que l’économie sociale gagne du terrain en Europe, notamment en Europe de l’Ouest, des formes juridiques encore peu exploitées jusqu’ici se développent.
Les mutuelles et coopératives, par exemple, ne sont pas nécessairement à vocation lucrative : elles poursuivent un objectif de neutralisation des formes juridiques au profit d’une finalité sociale ou collective.

Dans plusieurs pays, des statuts innovants ont vu le jour :

  • En France, le label ESUS (Entreprise solidaire d’utilité sociale) reconnaît les entreprises à mission sociale et à redistribution limitée des bénéfices ;

  • En Italie, le statut d’entité du tiers secteur (ETS) offre des avantages comparables.

Ces législations témoignent d’un mouvement vers la reconnaissance juridique du “tiers secteur” comme pilier à part entière de l’économie européenne.
Elles s’accompagnent souvent d’un régime fiscal favorable, incluant la déductibilité des dons et l’exonération partielle de certaines taxes.

La place du non-lucratif dans les traités européens et la jurisprudence

L’intégration des organisations à but non lucratif dans le droit européen n’est pas nouvelle.
Les traités européens les reconnaissent explicitement :

  • Article 54(2) du TFUE,

  • Article 11(2) du TUE, qui évoque leur “rôle fondamental dans la vie démocratique de l’Union”.

Mais ce sont surtout les arrêts de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) qui ont précisé ces droits :

  • Commission européenne c. Autriche (C-10/10, 2011) : suppression des obstacles à l’activité transfrontalière des OBNL ;

  • Ambulanz Glöckner (C-475/99, 2001) : égalité de traitement entre structures à but lucratif et non lucratif face au droit de la concurrence ;

  • Italie Emergenza (C-424/18, 2019) : reconnaissance de dérogations spécifiques dans la commande publique.

Malgré cette reconnaissance ancienne, les OBNL ne disposent toujours pas d’un statut spécifique en droit européen de la concurrence.
Pourtant, les associations et fondations plaident depuis plus de 30 ans pour sa création.

Les options législatives envisagées pour un statut européen

Face à cette impasse, le Parlement européen a adopté une résolution le 5 juillet 2018 demandant à la Commission européenne de proposer un cadre juridique pour les entreprises sociales et solidaires (référence : 2016/2237).

Trois pistes principales sont aujourd’hui à l’étude :

1️⃣ Créer un statut juridique européen complet

Ce modèle s’inspirerait de l’ancienne Société européenne (SE).
Problème : il nécessiterait une décision unanime du Conseil (article 352 TFUE), un obstacle politique difficile à franchir.

2️⃣ Recourir au mécanisme de coopération renforcée

Cette option permettrait à un groupe restreint d’États membres d’adopter le statut sans attendre l’unanimité.
Mais elle risquerait de créer une Europe à deux vitesses et de complexifier la reconnaissance mutuelle entre pays.

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Bâtiments de la Cour de justice de l’Union européenne à Luxembourg, Luxembourg
Source: Pixabay (image libre de droits)

3️⃣ Créer un label européen pour les OBNL (option privilégiée)

La solution la plus soutenue par le Comité JURI consisterait à créer un label harmonisé au niveau européen, attribuable aux organisations à but non lucratif de tout État membre.
Ce label permettrait :

  • la reconnaissance automatique dans tous les pays de l’UE ;

  • l’accès aux mêmes droits, avantages fiscaux et obligations que les structures nationales ;

  • et la simplification administrative des activités transfrontalières.

Ce système s’inspirerait des labels français et italiens (ESUS, ETS), en les transposant à l’échelle européenne.

Une étape vers une reconnaissance politique et économique du secteur

Selon le rapport du Comité JURI, cette troisième voie est la plus réaliste et alignée avec les objectifs européens de simplification, de transparence et de développement de l’économie sociale.

Pour le Social Good Accelerator, cette orientation représente une étape encourageante vers la reconnaissance d’un statut européen de l’économie sociale, permettant aux structures à but non lucratif de coopérer plus facilement au-delà des frontières.

L’adoption du Plan d’action européen pour l’économie sociale (2021) et les travaux conjoints de la Commission et du Parlement confirment cette dynamique.
L’enjeu est désormais de passer des intentions à la mise en œuvre, pour que le secteur associatif et coopératif bénéficie pleinement d’un cadre juridique européen cohérent et équitable.

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M. Nicolas Schmit, commissaire européen chargé de l’emploi et des droits sociaux, qui présentera en novembre le plan d’action de l’UE pour l’économie sociale.
Source: CC-BY-4.0: © European Union 2019 – Source: EP

FAQ — Vers un statut européen des associations et fondations

Pourquoi créer un statut européen pour les OBNL ?

Aujourd’hui, les organisations à but non lucratif doivent se recréer juridiquement dans chaque pays européen où elles opèrent.
Un statut ou label européen permettrait de simplifier leurs démarches, de réduire les coûts et de favoriser la coopération transnationale.

Quels pays disposent déjà d’un statut spécifique ?

La France (ESUS) et l’Italie (ETS) ont déjà adopté des statuts nationaux reconnus pour les entreprises sociales et les associations à impact.
Ces modèles inspirent la réflexion européenne sur la création d’un label commun.

Quel rôle joue le Parlement européen dans ce dossier ?

Le Comité JURI (Affaires juridiques) du Parlement européen pilote les travaux sur la reconnaissance juridique des organisations à but non lucratif transfrontalières.
Il milite pour un cadre simplifié, juridiquement sûr et compatible avec les législations nationales.

En quoi ce label serait-il avantageux ?

Un label européen offrirait :

  • une reconnaissance immédiate dans tous les États membres,

  • un accès équitable aux subventions et marchés publics,

  • et une visibilité accrue pour les acteurs de la société civile opérant à l’échelle européenne.

Quelle est la position du Social Good Accelerator ?

Le SOGA soutient cette démarche, considérant qu’elle contribue à renforcer la cohérence du modèle social européen.
Elle faciliterait la coopération entre organisations solidaires et encouragerait la création de partenariats transnationaux durables.