IA : 3 cas d’usages de l’intelligence artificielle pour l’intérêt général

IA : 3 cas d’usages de l’intelligence artificielle pour l’intérêt général

Le SOGA a lancé un groupe de réflexion pour comprendre les rapports entre l’IA et l’ESS, échanger sur les usages, l’éthique, la responsabilité et les alternatives de l’IA. Dans ce cadre, s’est tenu une réunion sous forme de webinaire le jeudi 18 avril 2024.

La discussion s’est ouverte par un sujet d’actualité : des entretiens d’embauche menés par des chatbots. Il a partagé l’histoire d’une jeune femme chargée de communication dont le processus de sélection du CV et l’entretien à distance ont été réalisés entièrement par des chatbots, pour finalement recevoir un refus de sa candidature également envoyé par un chatbot. Cette anecdote soulève une question essentielle : est-ce éthique d’utiliser des chatbots pour des processus de recrutement humains ? 

Cette réflexion est étroitement liée à la question de l’impact de l’IA sur les métiers, soulignant les défis et les dilemmes éthiques auxquels nous sommes confrontés dans un monde où la technologie évolue rapidement. Une belle introduction avant de laisser la parole aux 3 experts venus partager leur expertise dans le domaine de l’IA : Joël Gombin, Chief Data Officer chez Avneer; Lea Rogliano, chercheuse en éthique de l’IA chez FARI; et Guilhem Menard, co-fondateur de Share it.

 

Cas d’usage 1 : Outiller les aidants numériques sur les enjeux de l’IA et de la data

Léa Rogliano a partagé des retours précieux sur la manière d’outiller les aidants numériques pour aborder les enjeux de l’IA et des données. Elle a souligné le besoin urgent d’outiller les aidants numériques pour mieux comprendre et communiquer sur les implications éthiques et pratiques de l’IA et des données dans leurs activités. La chercheuse nous a présenté un projet pilote en cours chez FARI, axé sur la diversité et l’inclusivité, visant à comprendre les besoins des Espaces Publics Numériques (EPN) à Bruxelles. Ces EPN sont des lieux où le grand public peut accéder à internet et à d’autres technologies numériques, et recevoir de l’aide quant aux usages numériques. 

L’objectif principal était de saisir les besoins des aidants numériques, qui sont chargés d’aider les utilisateurs dans leur utilisation des technologies. Ils ont observé une forte demande pour des ressources et des formations spécifiques, soulignant que les aidants numériques préféraient souvent être formés sur place plutôt que de se déplacer vers des centres plus institutionnels. Ils ont souligné l’importance de créer des outils pédagogiques pour initier les pédagogues eux-mêmes aux enjeux de l’IA et de la data, ainsi que la nécessité de proposer des démonstrations concrètes de l’utilisation de l’IA pour optimiser les processus, telles que la création de chatbots ou de CV automatisés, pour susciter l’intérêt et la motivation du public des EPN. Les outils présentés visent à sensibiliser ces acteurs aux enjeux éthiques de l’IA et de la data, garantissant ainsi une utilisation responsable de ces technologies dans le secteur de l’ESS.

 

Cas d’usage 2 : les embeddings au service de l’orientation professionnelle

Joël Gombin a pris la parole pour partager les défis et solutions que présente l’utilisation de l’IA dans la création d’une application. Il a récemment développé l’application Avneer, qui aide les jeunes à trouver le métier qui leur correspond. Il s’adresse à ce jeune public en proposant un processus gamifié avec un avatar interactif. Lors du développement de l’application, plusieurs défis se sont posés. Premièrement, il a fallu créer un moteur de recommandation de métiers basé sur le matching entre les compétences des utilisateurs et les exigences des emplois, en utilisant des données ouvertes sur l’éducation, l’orientation et la formation. 

Deuxièmement, les variations et les erreurs potentielles lorsque l’utilisateur entre un terme dans la barre de recherche de l’application peuvent poser problème. Pour surmonter ce défi, ils ont opté pour l’utilisation de l’apprentissage automatique, en particulier les embeddings. Les embeddings sont une technique utilisée en intelligence artificielle pour représenter des mots ou des phrases sous forme de nombres sur un graphique en plusieurs dimensions. Cela permet à l’ordinateur de comprendre la signification et les relations entre les mots. Par exemple, dans un espace de dimensions, chaque mot est représenté par un ensemble de nombres qui capturent ses caractéristiques et ses associations avec d’autres mots. Cela permet à l’ordinateur de traiter le langage naturel de manière plus efficace et de mieux comprendre et répondre aux demandes hétérogènes des utilisateurs, facilitant ainsi la recherche de métiers pertinents. En utilisant des algorithmes sophistiqués, les embeddings permettent une meilleure correspondance entre les compétences des individus et les exigences des emplois, offrant ainsi une orientation professionnelle plus efficace.

 

Cas d’usage 3 – Intégration de l’IA : stratégies pour les acteurs de l’intérêt général

Guilhem Menard a abordé les défis spécifiques rencontrés par les acteurs de l’intérêt général dans l’adoption de l’IA. Co-fondateur de Share it, fort de ses 6 ans d’accompagnement de projets dans l’ESS, il  a mis en lumière le lancement d’un projet spécifique sur l’IA. La structure a constaté un faible nombre d’utilisations de l’IA au sein des associations, soulignant un décalage entre le secteur marchand et le secteur associatif en matière de numérisation. Ainsi, il a souligné l’importance d’outiller les structures de l’ESS pour tirer parti des avantages de l’IA. 

Il a identifié trois types de cas d’usage pour l’IA : l’utilisation générique, pour utiliser l’IA au quotidien afin de gagner en efficacité (gestion de projet, aide à la rédaction, traduction…); l’utilisation métier, plus spécifique du secteur (fundraising, marketing/com, accompagnement des bénéficiaires); l’utilisation “organisation”, permettant de repenser l’activité d’une organisation en s’appuyant sur l’IA.

Guilhem a ensuite présenté un programme ambitieux visant à acculturer et accompagner les acteurs de l’ESS à l’utilisation des IA génératives. Ce programme vise à accompagner 2000 structures d’ici 2026, dont 400 dès 2024 à Paris, à travers trois phases : la diffusion d’une veille technologique et de recommandations sur l’IA adaptées au secteur de l’ESS, l’organisation de webinaires d’acculturation et enfin, la formation des acteurs de l’ESS à l’usage de l’IA sur des cas métiers simples avec des temps de mise en pratique collectifs et individuels. 

 

Orange Digital Center : des espaces pour l’inclusion numérique en Europe

Orange Digital Center : des espaces pour l’inclusion numérique en Europe

Orange Digital Center : un programme international pour l’inclusion numérique

À l’occasion de l’adhésion d’Orange au Social Good Accelerator (SOGA), découvrons ensemble l’initiative Orange Digital Center, un programme ambitieux en faveur de l’inclusion numérique dans les territoires.
Nous avons échangé avec les équipes d’Orange pour mieux comprendre la philosophie, les ambitions et les premiers résultats de ce projet.

Orange Digital Center

Le premier Digital Center d’Orange, France
Photo credit: Orange

Un réseau international pour développer les compétences numériques

Les Orange Digital Center sont des espaces ouverts et gratuits dédiés à l’apprentissage et au développement des compétences numériques.
De la formation au code à la fabrication numérique, en passant par la création d’entreprise, ces lieux favorisent l’apprentissage par la pratique.

Leur mission : permettre à chacun — étudiant, demandeur d’emploi, jeune décrocheur, entrepreneur — d’acquérir les compétences nécessaires pour évoluer dans un monde numérique.

Les programmes de formation y sont conçus pour répondre à des besoins concrets :

  • ateliers de codage,
  • fablabs pour la fabrication numérique,
  • accompagnement à l’entrepreneuriat,
  • formation à la sécurité et à la responsabilité numérique.

Une initiative déployée dans le monde entier

À septembre 2022, 15 Orange Digital Center étaient déjà ouverts en Afrique et au Moyen-Orient (Tunisie, Sénégal, Cameroun, Éthiopie, Jordanie…).
En Europe, le centre de Bruxelles a accueilli ses premiers apprenants au printemps 2022, suivi par celui de Saint-Ouen (France) en juin.

D’autres centres verront bientôt le jour en Pologne, Luxembourg, Roumanie, Slovaquie, Espagne et Moldavie.
À terme, le Groupe Orange prévoit d’implanter un Orange Digital Center dans chacun des pays où il opère.

Cette initiative illustre la responsabilité sociétale du premier opérateur numérique français, avec une conviction forte :

le numérique ne doit pas créer des fractures, mais des opportunités accessibles à tous.

Le programme agit donc sur quatre dimensions clés :

  1. l’accès aux infrastructures et aux équipements,
  2. l’usage et l’accompagnement des publics,
  3. la montée en compétences,
  4. et la promotion de la diversité dans les métiers du numérique.

Une construction locale et collaborative

Chaque Orange Digital Center adapte sa programmation au contexte local, aux ressources disponibles et aux besoins des bénéficiaires.
Les formations et ateliers sont co-construits avec un écosystème de partenaires :

  • fablabs de proximité,
  • Simplon au Sénégal,
  • BeCode en Belgique,
  • ou encore le programme AWS Restart en Tunisie.

Cette approche collaborative permet de renforcer l’impact social du dispositif, en favorisant l’emploi, l’insertion professionnelle et la mixité dans les métiers du numérique.

“Les parcours de formation associent le code, la fabrication et l’entrepreneuriat pour dynamiser les trajectoires des apprenants.”

Les défis à relever et les solutions envisagées

Déployer des centres dans 25 pays est un défi logistique et humain majeur.
Orange en a déjà ouvert 17 et prévoit d’atteindre son objectif à court terme.

Les principaux enjeux aujourd’hui :

  • maintenir la dynamique une fois le réseau complet,

  • favoriser la capitalisation et les échanges entre les différents centres,

  • et évaluer l’impact social sur les bénéficiaires.

Pour y répondre, Orange multiplie les initiatives :

  • un appel à projets pour créer des formations de formateurs dans les fablabs ;

  • une mesure d’impact social sur certains programmes pilotes ;

  • et un partenariat avec le Social Good Accelerator pour croiser expertises et plaidoyer autour de la transition numérique inclusive en Europe.

Zoom sur le centre de Saint-Ouen : inclusion et formation

Le Orange Digital Center de Saint-Ouen, inauguré en juin 2022, a lancé son premier programme de préqualification “Envol Numérique destiné aux jeunes décrocheurs scolaires.
Ce parcours de 5 semaines de formation et 3 semaines de stage vise à leur redonner le goût du numérique et à favoriser leur insertion professionnelle.

Les participants y découvrent :

  • les bases du développement web et de la fabrication numérique ;

  • les compétences comportementales : communication, confiance en soi, travail en équipe ;

  • et les enjeux environnementaux et sociétaux du numérique.

Le centre propose aussi :

  • des ateliers grand public pour apprendre à utiliser un smartphone ou paramétrer un contrôle parental ;

  • un fablab accessible pour s’initier à la conception 3D ou à l’électronique.

Des ressources accessibles à toutes et tous

L’Orange Digital Center met à disposition une variété de ressources gratuites :

Découvrir la responsabilité numérique

  • ateliers en ligne sur la protection des données personnelles,
  • modules d’éducation numérique pour les parents,
  • programmes de sensibilisation avec la Fédération française de football sur l’usage responsable du numérique.

Apprendre à utiliser les outils numériques

  • SuperCoders : ateliers ludiques pour les enfants hospitalisés,
  • Blabla Code : formation pour demandeurs d’emploi souhaitant renforcer leurs compétences digitales,
  • Fablabs : lieux ouverts équipés d’imprimantes 3D et de machines connectées pour expérimenter et innover.

Entreprendre dans le numérique

  • guides et tutoriels pour créer son activité,
  • ressources pour les femmes entrepreneures,
  • outils pour protéger ses données et communiquer en ligne.


    Un levier majeur d’inclusion numérique

    Avec ses Orange Digital Center, le Groupe Orange déploie une approche concrète du numérique d’intérêt général :
    donner à chacun les moyens de comprendre, créer et entreprendre grâce au numérique.

    “Faire du numérique une opportunité pour tous, sans distinction d’âge, de milieu ou de territoire.”

    Pour en savoir plus : Je consulte le site internet d’Orange

    FAQ — Orange Digital Center et inclusion numérique

    Qu’est-ce qu’un Orange Digital Center ?

    C’est un espace de formation gratuit et ouvert à tous, dédié à l’apprentissage des compétences numériques, à l’entrepreneuriat et à la fabrication digitale.

    Où se trouvent les Orange Digital Center ?

    Les centres sont implantés dans plus de 17 pays en Afrique, au Moyen-Orient et en Europe (France, Belgique, Tunisie, Cameroun, Sénégal, etc.), avec un objectif de 25 centres ouverts à terme.

    Qui peut y accéder ?

    Toute personne souhaitant développer ses compétences numériques : jeunes, demandeurs d’emploi, entrepreneurs, femmes en reconversion ou simples curieux.

    Quels types de formations sont proposés ?

    Des formations autour du code, de la fabrication numérique, de la responsabilité numérique et de l’entrepreneuriat social.

    Quel est le lien avec le Social Good Accelerator ?

    Le SOGA et Orange collaborent pour renforcer l’impact social du numérique en Europe et partager des bonnes pratiques de médiation numérique dans le cadre de leurs initiatives communes.

    Spreading Social Economy: with SOGA, AESIO sets an example for developing the digital social economy

    ESSiser l'économie : avec SOGA, AESIO donne l'exemple pour développer l'ESS numérique

    ESSiser l'économie : avec SOGA, AESIO donne l'exemple pour développer l'ESS numérique

    AESIO Mutuelle est la deuxième mutuelle de France, couvrant les besoins de 2,9 millions d'adhérents sur l'ensemble du territoire en matière de complémentaire santé et de prévoyance. Nous accueillons aujourd'hui Samira Sameur pour parler d'AESIO, d'économie sociale et de transition numérique.

    Présentation de Samira Sameur

    Diplômée en Affaires publiques de Sciences Po Paris, Samira Sameur travaille depuis quinze ans dans les relations institutionnelles, l’animation de réseaux et le management de programmes dans l’économie sociale et solidaire.Spécialiste des affaires sociales (prévention santé, emploi, formation professionnelle), elle a notamment travaillé à l’Union des employeurs de l’économie sociale et solidaire (UDES) pendant 8 ans où elle a piloté les stratégies d’influence et de développement au niveau régional, national et européen pour défendre les intérêts de ces employeurs. 

    Cela fait aujourd’hui 2 ans que Samira a rejoint AESIO mutuelle en tant que responsable Économie sociale et solidaire. Sa mission consiste à matérialiser et renforcer l'appartenance de la mutuelle à l’ESS auprès de ses différentes parties prenantes sur des dimensions institutionnelle, sociétale et corporate.

     

    Parlez-nous d’AESIO, dans quelle mesure cette mutuelle s’inscrit dans le cercle de l’économie sociale et solidaire ?

    Notre appartenance à l’ESS est native car nous sommes une entreprise à but non lucratif et notre raison d’être est de permettre à nos adhérents de vivre en meilleure santéToute notre organisation est structurée autour de cette mission avec l’adhérent au cœur. Au cœur de notre gouvernance tout d’abord pour les associer dans la réponse à leurs besoins. En tant que société de personnes, nous n’avons pas d’actionnaires à rémunérer et pouvons de fait concentrer l’orientation de nos bénéfices et l’énergie de nos équipes à répondre utilement aux besoins de santé de nos adhérents.

    Comment est organisée AESIO mutuelle ?

    Notre mutuelle d’origine a été fondée en 1838 et nous sommes progressivement passés à l’échelle nationale en unissant les forces de plusieurs mutuelles territoriales. En tant que mutuelle de santé, notre activité est réglementée par le Code de la mutualité qui prévoit que nous développions des actions de solidarité et de l’offre de soins. D’où l’existence d’AESIO santé qui gère nos 200 établissements sanitaires, sociaux et médicosociaux qui offrent soins et services dans une logique d’accessibilité financière et territoriale à nos adhérents. Nous sommes aussi activement engagés dans les enjeux de santé publique avec plus de 1300 actions de prévention déployées par an sur des sujets comme la nutrition, la prévention de la perte d’autonomie ou des maladies cardiovasculaires.

    Nous avons également une Fondation d’entreprise qui soutient des projets d’utilité sociale, orientés actuellement vers la santé mentale, thématique qui nous est parue essentielle d’adresser dans le contexte post-crise sanitaire.

    Vous parlez d’ESSisation, pouvez-vous expliquer ce que cette notion recouvre ?

    🔷 ESSisation, une vision économique 

    L’ESSisation c’est un mouvement qu’on appelle de nos vœux. Celui d’une ESS qui s'implante dans un maximum de secteurs d’activité de notre économie pour challenger mais aussi inspirer les autres acteurs économiques vers des pratiques plus vertueuses en matière sociale et environnementale.

    🔷 Un appel politique à développer l’ESS

          Adressé à la fois aux entreprises de l’ESS… C’est un appel aux entreprises de l’ESS elles-mêmes pour leur demander de renouer avec leur esprit de conquête et continuer de dénicher des besoins sociaux non pourvus, conquérir de nouvelles activités et rester à la proue de l’innovation sociale.

          …Mais aussi au monde Le message c’est aussi dire qu’au moment où on parle du monde d’après et de l’économie de demain, nous pensons que la réponse existe déjà, qu’elle s’appelle ESS et qu’elle n’est pas assez connue et reconnue. Dans nos heures où l’on parle de capitalisme raisonné, nous souhaitons rappeler que l’ESS porte en elle les ferments de ce qu’on fait aujourd’hui en matière de responsabilité sociétale de l’entreprise (RSE) et qu’il faut poursuivre en ce sens pour montrer que social et économique ne sont pas incompatibles.

     

    Pouvez-vous me parler d’un projet qu’AESIO entreprend en faveur de l’ESSisation ?

    Nous avons par exemple développé la campagne “ESS relance” en partenariat avec le French Impact. L’idée était de mieux se faire rencontrer les mesures du Plan de relance et les entreprises de l’ESS dans les territoires. Cela nous est paru évident car le Plan de relance plaide pour des activités plus territorialisées et qui s’inscrivent davantage dans la transition écologique, donc naturellement ciblé vers l’ESS selon nous. On s'est toutefois rendu compte que, pour des effets de taille notamment, la plupart de ces dispositifs et des financements qui y étaient attachés n’arrivaient pas jusqu’aux entreprises de l’ESS. D’où cette campagne qui a permis de décrypter les mesures et favoriser l'information des entreprises sur le terrain via plusieurs webinaires d’informations et des mises en relation entre entrepreneurs, accompagnateurs économiques et administrations. 

    En tant que chargée de développement de l’ESS, quels sont les principaux obstacles que vous constatez au développement de l’ESS ?

    🔴La menace d’une confusion entre les différents modèles économiques 

    En matière d’obstacles, je pense qu’il y a une communication qui nuit à la reconnaissance de l’ESS : on parle de capitalisme raisonné, d’économie à impact, de politiques RSE sans faire de distinctions. Certes c’est intéressant, c’est un mouvement dont socialement on ne peut que se féliciter, même si cela peut parfois être du social washing. Mais il faut affirmer que l’ESS est une économie intrinsèquement différente dans ses modèles car la lucrativité est encadrée pour prioriser la réponse à des problématiques d’intérêt général. En ce sens, elle doit bénéficier de dispositifs légaux et fiscaux dédiés, car les bénéfices de ces entreprises n’iront jamais dans la poche d’actionnaires mais toujours en impact positif pour le territoire (création d’emploi, richesse immatérielle…). 

    C’est important d’un point de vue politique aussi de marquer cette différence auprès du citoyen et du consommateur pour qu’ils puissent faire un choix éclairé en utilisant leur pouvoir d’agir et leur pouvoir d’achat à leur escient. 

    🔴Le risque du quant-à-soi

    L’ESS souffre aussi d’une fragmentation qui nuit à sa compréhension par les acteurs extérieurs.Il faut que les composantes juridiques de l’ESS arrivent à se rassembler sous une même bannière our peser politiquement, avoir un discours commun qui fasse valoir en quoi l’ESS est différenciante, avec des modèles de réussite. Mais il faut aussi que l’ESS ne se replie pas sur elle-même et s’ouvre aux coopérations externesque ce soit avec les pouvoirs publics ou les acteurs lucratifs. Se positionner auprès d’autres permet de montrer la plus-value d’une ESS qui sait justement capter des publics éloignés, avoir une action très territoriale du fait de son histoire ou encore donner la capacité à une action de s’inscrire dans le temps long. En cela, nous prônons une “ESS ouverte”.

     

    Dans quelle mesure l’ESS est-elle complémentaire de l’économie à impact ? 

    On voit grandir le mouvement autour de l’économie à impact qui vise à mieux connecter l’entreprise à son écosystème et donc à infléchir ses externalités négatives au niveau environnemental, à être plus inclusif, c’est très bien et il n’est pas intéressant de confronter les systèmes. Mais il est important de marquer que l’ESS s’est construite à rebours, c’est-à-dire que la vocation créatrice d’une entreprise de l’ESS est de répondre à une utilité sociale et que le profit n’est pas une fin mais un moyen mis au service de cette finalité. and that profit is not an end but a means to this end.

     

    En tant que chargée de développement de l’ESS, quelles évolutions avez-vous constaté ces dernières années dans le secteur ?

    ⚖️ Un cadre juridique renforcé depuis 2014

    Le champ a été renforcé avec une loi éponyme en 2014 qui a permis de donner un cadre juridique à l’ESS, un périmètre défini et de la doter aussi bien sur champ politique que patronal d’une représentation singulière (ESS France et UDES). C’est important pour montrer que les entreprises de l’ESS produisent, emploient autrement et ont une relation à la société différente basée sur l’éthique et la solidarité. #ESSisation 😉 😉 

    🟠Sur le terrain, une double contrainte pour les entreprises de l’ESS 

    Sur le terrain, ces dernières années ont été complexes pour les entreprises de l’ESS. Elles ont été prises en étau par un double mouvement : avec d'une part, des entreprises lucratives qui investissent de plus en plus leurs métiers traditionnels (petite enfance, aide à domicile, activités sanitaires sociales et médico-sociales), et en parallèle un désengagement des pouvoirs publics pilotes de ces mêmes politiques sociales et qui étaient des alliés traditionnels (conseils départementaux notamment). Ce désengagement s’est manifesté par le développement de dispositifs mettant en concurrence les entreprises de l’ESS, notamment par appels à projet, alors que leur mode d’action naturel est celui de la coopération.

    Personnellement, je pense que cela doit inviter l’ESS à se renouveler. Si l’ESS est concurrencée par des entreprises lucratives, elle ne doit justement pas s’interdire elle aussi d’investir des secteurs d’activité plus concurrentiels en misant sur son impact social pour se différencier auprès des consommateurs, qui sont de plus en plus soucieux des questions d’éthique. 

    Selon vous, dans quelle mesure la transition numérique peut-elle aider l’économie sociale à se développer ?

    La pandémie et les restrictions sociales afférentes nous ont montré que la transition numérique n’est plus une option, et que les entreprises de l’ESS doivent intégrer ce mouvement au même titre que toute autre entreprise. L’objectif est tout bonnement de manager son organisation avec son temps et de s’adapter aux pratiques des consommateurs que nous appelons « adhérents ». 

    J’aimerais prendre la question à l’envers et questionner pourquoi la transition numérique gagnerait à s’appuyer sur l’ESS, qui a clairement une carte à jouer dans l’alliance entre innovation numérique et innovation sociale.

    S’appuyer sur des entreprises de l’ESS pour penser le numérique et ses usages c’est d’abord mettre un garde-fou aux pratiques algorithmiques déshumanisantes qui ne mettent pas le numérique au service de l’humain mais asservit des travailleurs et des utilisateurs à des seules fins mercantiles. C’est pour ça que les entreprises de l’ESS doivent investir le digital, c’est une responsabilité également pour permettre aux publics fragiles, qu’elles ont en contact privilégié, de ne pas passer à côté des opportunités du numérique. 

     

    Comment voyez-vous votre rôle au sein du Social Good Accelerator ?

    Nous avons tenu à être partie prenante d’un mouvement qui fait valoir une représentation consolidée des entrepreneurs sociaux et des acteurs numériques au niveau européen. D’autre part, notre souhait est de mettre en commun les réflexions et besoins remontés par nos adhérents en termes de santé numérique au niveau européen et la façon dont cela peut impacter notre modèle social. On l’a vu avec la pandémie, la santé ne connait pas de frontière, et même si nous n’avons pas une présence internationale, il ne nous semble pas trop tôt pour investir ces sujets dans une approche prospective.

    Un article écrit par

    Justine Coopman
    justine(at)socialgoodaccelerator.eu
    Affaires publiques et Communication
    Lille, France
    La MedNum, “a singular structure” for digital inclusion

    La Mednum, « une structure singulière » pour l’inclusion numérique

    La Mednum, « une structure singulière » pour l’inclusion numérique

    Le 15 mars 2022, Guilhem Pradalié, Directeur Général de la MedNum, membre du Social good accelerator, nous a accordé un entretien au cours duquel il revient sur ce qu'est la MedNum, quels sont ses projets, défis et son rôle au sein du SOGA.

    Guilhem Pradalié
    Directeur Général de La MedNum

    Pouvez-vous nous présenter votre parcours professionnel ?

    Issu d’une formation économique et d’un master de Sciences Po Paris, j’ai un parcours d’une dizaine d'années dans la mutualité, au sein de la Mutuelle générale de l'Éducation nationale (MGEN). J’ai travaillé sur différents programmes numériques et innovations puis à la direction stratégie du groupe.

    J’ai ensuite été conseiller du Président, chargé des questions économiques et financières, de la stratégie et des engagements numériques jusqu’en septembre 2021. J’ai rejoint la Mednum en tant que Directeur général en octobre 2021. Attaché aux questions d’inclusion et de médiation numériques, je mobilise les équipes de la coopérative pour faciliter et amplifier l’action vertueuse des sociétaires de la MedNum dans tous les territoires.

    Qu’est-ce que la MedNum ?

    La MedNum est une structure singulière. En effet, il s’agit d’une coopérative (NDLR Société coopérative d’intérêt collectif, soit une SCIC) qui rassemble des sociétaires très divers, tous acteurs de l’inclusion numérique. Elle remplit des missions de représentation et de structuration d’un secteur tout en menant des activités “projet” et “conseil” autour de l’industrialisation de solutions d’inclusion numérique. Nous travaillons ainsi avec nos sociétaires à la création de projets nationaux. L’objectif est de faire grandir le secteur tout en portant la voix de ses acteurs.

    Qui compose la MedNum ?

    L'équipe est composée d’une quinzaine de salariés. Dernièrement, nous avons opéré une réorganisation des activités autour de 3 directions : une direction étude et plaidoyer, une direction projet qui est transversale et une direction finance et services aux sociétaires qui devrait voir le jour à la fin du 1er semestre. La direction générale porte enfin les pôles communication et vie coopérative, essentiels à la bonne animation de nos réseaux et la mise en lumière des actions de nos sociétaires.

    Mais la MedNum est composée de parties prenantes très diverses : plus de 100 sociétaires, des collectivités territoriales, l’État, les acteurs économiques et d’autres types d’acteurs comme des personnes physiques, des acteurs de la médiation numérique qui portent ensemble, au-delà de l’enjeu social, les valeurs du libre, des communs… bref, d’un numérique au service de l’intérêt général.

    En parlant des valeurs, quelles sont celles de la MedNum ?

    Nous avons avant tout un attachement à la chose commune et à l’intérêt général. Cela se traduit dans la forme même de notre coopérative et dans son fonctionnement. Nous intervenons plus largement sur l’ensemble des sujets en développant l’idée d’un numérique responsable et accessible à tous (santé, territoires, éducation, accueil des réfugiés, culture…). Nous sommes évidemment très attachés à la culture de l’internet libre et des communs, comme bon nombre de nos sociétaires.

    Vous mettez ces valeurs en œuvre notamment à travers les projets que vous réalisez. Lequel de ces projets vous rend le plus fier ?

    Difficile de choisir tant les projets sont tous importants ! Mais je dirais, en raison du contexte actuel de la guerre en Ukraine, que “refugiés.info” est celui qui me rend le plus fier. Les équipes s’y sont engagées personnellement, en mettant toutes leurs compétences à son service. Il y a un gros investissement humain sur ce projet qui opère, en ce moment, la plateforme officielle du gouvernement pour la mise en relation des français voulant apporter leur aide pour l’hébergement avec des associations et les personnes en exprimant le besoin.

    En quoi le projet Réfugiés.info consiste-t-il ?

    In “normal” times, it is an information portal, contributory and open-source, co-developed with the Interministerial Delegation for the Reception and Integration of Refugees, which provides simple and translated information to refugees and their carers.

    This project helps refugees to find an initiative, a training adapted to their situation, to understand the administrative procedures or to consult the directory to find an association.

    This platform works like Wikipedia: everyone can contribute by writing or translating practical information.

    Si vous deviez résumer les principaux enjeux de la MedNum actuellement quels seraient-il ?

    D’abord ce serait réussir à faire entendre la voix de nos sociétaires lors des différentes élections à venir, présidentielles et législatives. Nous avons de gros objectifs autour des projets data cette année, mais également autour du lancement d’une version 2 des plateformes téléphoniques d’aide et d’accompagnement aux usages du numérique du quotidien.

     
     

    Les élections présidentielles arrivent bientôt en France. Vous avez d’ailleurs publié vos propositions pour l’élection présidentielle de 2022. À ce sujet, à quel problème répondez-vous et quelles solutions préconisez-vous ? 

    En France, plus de 14 millions de personnes seraient en situation de fragilité numérique, c’est-à-dire éloignées, non équipées et/ou en grande difficulté avec les différents usages du numérique. C’est à ce problème de justice sociale que nous répondons.

    Nous préconisons des actions sur 4 thématiques importantes pour nos sociétaires : l’éducation, l’emploi et le pouvoir d’achat, la santé et l’environnement.

    Nous insistons avant tout sur la nécessité de créer une véritable filière professionnelle de la médiation numérique, par exemple en travaillant sur la stabilité des financements aux structures de l’inclusion numérique, d’offrir des services numériques accessibles à tous et partout et de promouvoir un numérique d’intérêt général, libre, ouvert, universel et collectif.

    En matière d’éducation, nous proposons de faire de l’éducation numérique une priorité dans l’enseignement, du primaire au supérieur, pour former les citoyens éclairés de demain, et d’outiller, de sensibiliser et de former les professionnels de l’éducation et de l’accompagnement social. Mais également d’affirmer les complémentarités entre médiation et éducation numérique tout en donnant une attention spécifique aux publics particulièrement éloignés.

    Sur les questions d’emploi et de pouvoir d’achat, nous oeuvrons pour intensifier les efforts de formation et d’accompagnement au numérique pour les jeunes et les demandeurs d’emploi ; pour faire de l’entreprise un véritable lieu d’apprentissage du numérique ; pour accompagner les petites structures dans leur transformation numérique et pour faire du numérique un accélérateur de pouvoir d’achat des citoyens. Nous défendons, par exemple, la mise en œuvre d’un réel “tarif social internet” pour les ménages modestes.

    En matière de santé, enfin, la MedNum propose d'agir au plus près des personnes en situation de fragilité pour leur garantir un accès aux informations et aux soins, de renforcer la dynamique d’acculturation entre la médiation numérique et le monde de la santé et de créer les conditions de la confiance des usagers dans l'utilisation du numérique en santé.

    Enfin, quels sont vos liens et vos attentes vis-à-vis du Social Good Accelerator ?

    La MedNum est membre du Social Good Accelerator depuis deux ans. Nous sommes partenaires du projet Social Tech Academy, qui explore les compétences numériques de l'ESS pour créer un portail d'information, et membres du groupe de travail European Public Affairs.

    Pour de nombreuses personnes, les questions européennes semblent encore lointaines, mais nous sommes convaincus que la gestion de projets de cette envergure est efficace, tant en termes de partage de bonnes pratiques avec nos voisins que de stimulation de développements politiques intéressants pour le secteur de l'économie sociale et l'inclusion numérique en particulier.

    Faire partie du Social Good Accelerator nous permet de disposer d'un environnement commun pour exprimer nos attentes et mettre en commun les moyens de les réaliser. Cette démarche s'inscrit dans le prolongement direct de la manière dont nous travaillons avec nos membres et est particulièrement en phase avec nos valeurs.

    Un article écrit par

    Justine Coopman
    justine(at)socialgoodaccelerator.eu
    Affaires publiques et Communication
    Lille, France