Le rôle des communs de données dans l’IA pour l’économie sociale

Du 12 au 15 mai 2025, Eline Coustenoble, chargée de capitalisation au Social Good Accelerator, a participé au EU-US Young Leader Seminar 2025. Le séminaire a abordé l’IA pour l’économie sociale, ses opportunités et ses défis pour les organisations de l’ESS. Dans cet article, elle détaille les conversations et leurs implications pour l’association, l’ESS, et le monde de la technologie.

L’événement était organisé par la European Union Delegation to the United States, le German Marshall Fund of the United States et la Commission for Educational Exchange between the U., Belgium and Luxembourg.

Rencontres inspirantes : L’impact du séminaire sur le Social Good Accelerator

Lors du séminaire, j’ai eu la chance de rencontrer 49 autres jeunes leaders, des personnes inspirantes et engagées dans leurs domaines respectifs. Parmi les nombreux sujets abordés, trois résonnent particulièrement avec les leviers d’actions du Social Good Accelerator : l’innovation et sa régulation, la coopération, et l’IA responsable.

L’Europe et l’innovation : Une régulation nécessaire mais un frein à l’innovation ?

Puisque l’événement abordait la question de l’IA, nous avons beaucoup parlé d’innovation et de régulation. Pour être plus honnête, nous avons longuement comparé nos approches de ces concepts, différentes de chaque côté de l’Atlantique. Encore aujourd’hui, une grande partie des technologies nous viennent des Etats-Unis, notamment grâce au cadre juridique facilitant les levées de fonds ou financements par des particuliers, et la mentalité entrepreneuriale de risques. Comme dirait Mark Zuckerberg : “Move fast, break things.” (“Bouge vite, casse des choses”, libre à vous de suivre son exemple ou pas).

La régulation de l’IA : Un atout pour l’économie sociale européenne

Du côté de l’Union Européenne, on se concentre plutôt sur la régulation que sur la vitesse, suivant de loin les innovations qui sortent des USA. Pour nos élu‧e‧s, ces régulations sont importantes pour protéger les membres de l’UE, mais aussi du monde entier en proposant des cadres, comme l’AI Act par exemple, qui sont adaptables à d’autres modèles de gouvernance. Malheureusement, cela a probablement des conséquences sur l’écosystème de l’innovation européen. Nos institutions sont plutôt régulatrices qu’incubatrices. Le débat sur la bonne balance entre les deux est encore ouvert. Malgré cela, une plus grande diversité dans notre technologie ne peut avoir que des bienfaits sur le libre choix, la réduction des biais et l’innovation.

Et tout n’est pas perdu ! Même si ce n’est pas encore laSilicon Valley, nous constatons en ce moment des avancées vers plus d’innovation européenne, comme en France ; bientôt la Vallée du Silicone ? De plus, des technologiesmade in Europebrillent à l’international : Spotify (🇸🇪) ou bien Too Good To Go (🇩🇰) et Vinted (🇱🇹). Même du côté des outils informatiques open source, LibreOffice (🇩🇪) et Mistral AI (🇫🇷) proposent un modèle alternatif et donnent à voir un horizon numérique européen complet.

L’importance de la coopération transatlantique pour l’innovation responsable

Comme le séminaire l’a montré, nos conceptions divergentes de l’innovation ne sont pas nécessairement un obstacle pour la coopération transatlantique ; elles peuvent aussi être une force. Les conversations, comparaisons et débats nous ont permis de prendre du recul et de changer de perspective. Peu importe le climat politique, les échanges restent essentiels, qu’ils soient de talents, de bonnes pratiques, de cadres de régulation ou bien de connaissances. Les participant‧e‧s aux tables rondes ont partagés des exemples inspirants de travaux en cours dans leurs institutions, institutions qui n’existeraient pas sans coopération comme le Parlement Européen, NATO, Fulbright ou Erasmus+. Lorsqu’il s’agit de coopération internationale, bien souvent, le tout est plus que la somme des parties.

Le rôle des “communs de données” dans l’IA pour l’économie sociale

Un sujet de coopération qui a seulement été survolé lors de la conférence, par manque de temps, est le commun de données. Proposé comme solution pour une bonne gouvernance ou comme nouvelle monnaie d’échange, le concept fait encore débat. Pourtant, nous connaissons tous un exemple de commun de données très efficace : Wikipédia. Open Food Facts et Soliguide(Solinum) sont également de réels contre-arguments à la trop classique “tragédie des communs”. Le modèle de commun des données et la gouvernance participative que proposent ces associations montrent qu’il est possible, et positivement impactant, de coopérer dans le monde de la technologie.

Les enjeux éthiques de l’IA dans l’économie sociale : Une question de responsabilité

Thème transversal, le séminaire a donné une vue très complète des avancements dans le monde de l’Intelligence Artificielle. Les intervenant‧es ont offert leurs retours d’expérience sur de nombreux sujets. Entre autres : la gouvernance autour de l’IA, les perspectives de l’IA générative, la cybersécurité et le futur du travail.

Ce qui a attiré mon attention durant les débats sont les questions éthiques posées, directement ou indirectement. Comment faire usage des IA génératives de manière plus responsable ? Comment anticiper les biais ? Comment penser le statut de l’IA comme agente de la société ? Ces questions éthiques font écho à un autre événement auquel l’équipe du SOGA a eu la chance de participer : le Sommet IA au CESE, qui lui posait la question de l’IA citoyenne et responsable.

Les biais dans l’IA et leur impact sur l’économie sociale

Cette matinée riche en échanges au CESE (avec notamment La Mednum, l’ANCT, Kokoya ThinkLab et le Conseil national du numérique) avait fait émerger plusieurs axes prioritaires pour un développement démocratique de l’IA. Les débats avaient soulevé le besoin d’associer activement les citoyens aux processus de gouvernance de l’IA et d’accompagner le dialogue social face aux transformations induites par l’IA dans le monde du travail. Le sommet a aussi proposé la piste de développer un cadre juridique et éthique solide pour éviter les dérives technologiques. Enfin, était ressortie l’importance d’intégrer les considérations environnementales dans l’innovation technologique.

Ces réflexions s’inscrivent dans la continuité de l’avis du CESE sur l’IA publié récemment, qui approfondit ces enjeux et propose des recommandations concrètes pour un usage éthique et inclusif de l’Intelligence Artificielle (Lire l’avis). Elles répondent à un débat continuel sur l’éthique de l’information, soulevé lors du EU-US Young Leaders Seminar mais pas que. Le CESE prévoit d’approfondir ces réflexions via des consultations citoyennes et des groupes de travail dédiés, afin de formuler des recommandations concrètes. Le SOGA s’engage d’ailleurs à soutenir ces efforts notamment au travers de son événement annuel Numérique En Commun[s] ESS.

Une chose est claire pour les jeunes leaders des deux côtés de l’Atlantique et pour les participants aux Sommet de l’IA : pour une IA au service de tous, le dialogue doit continuer et s’intensifier.

Le SOGA et son engagement pour une IA responsable et éthique dans l’ESS

Au Social Good Accelerator, nous croyons que l’Europe peut devenir un moteur d’innovation numérique responsable, à condition de miser sur ses forces : sa capacité de régulation au service du bien commun, son ancrage dans la coopération transnationale, et son attachement aux communs numériques. C’est exactement ce que nous faisons au quotidien : en défendant une innovation sociale et technologique européenne, en créant des passerelles entre acteur‧ices engagé‧es européen‧nes (pas encore transatlantique), et en renforçant les capacités numériques des organisations de l’économie sociale, notamment celles qui valorisent les communs des données.

Le mot de la fin : ce que je retiens

Que ce soit grâce aux tables rondes ou aux temps de networking, je ressors de cet événement optimiste et motivée par mes camarades young leaders. Et bien que le séminaire ai posé plus de questions qu’il a apporté de réponse, il a offert un espace de collaboration et d’échange entre acteur‧ices qui ne se rencontrent que trop peu. Cette rencontre a permis de soulever des thématiques autour de l’IA bien sûr, mais aussi autour du futur de l’éducation, du travail et de la gouvernance qui sont et resteront des sujets cruciaux.

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Eline Coustenoble, Chargée de Capitalisation

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