Sommet du G7: Pourquoi le Sud-Ouest britannique est important pour le numérique ?

Le Sommet du G7 a lieu en ce moment dans la station balnéaire de Carvis Bay, dans les Cornouailles, au Royaume-Uni. Le choix de cette région a été sans doute fait pour montrer sa côte rocailleuse sauvage et le charme bucolique qu’elle inspire. Mais il est réducteur de réduire cette péninsule à cette image caricaturale. Le Sud-Ouest britannique a récemment fait de la green tech son maître-mot, malgré le fait que cette zone soit l’une des moins densément peuplées d’Angleterre.

Voici comment la région a su se convertir dans ce secteur innovant.

G7 leaders
Les chefs d’État des pays du G7 à Carvis Bay, le 11 juin 2021
Source: G7 UK 2021 Flickr Channel

Les Cornouailles, une région rurale et innovante
Seulement 600 000 habitants, des grandes villes avoisinant les 20 000 habitants, et 56% d’une population qui vit en dehors des villes. Sur le papier, les Cornouailles pourraient être vues comme une région très rurale, loin de la vie bouillonnante de Londres. Et pourtant, c’est bien là toute l’erreur que l’on peut faire. Les Cornouailles accueillent de nombreuses organisations innovantes de la Tech, sous des formes là aussi variées. La pandémie a d’autant plus prouvé que le secteur numérique était un pivot pour toute la région. Un peu plus de 4 000 boutiques en ligne ont par exemple ouvert dans tout le Sud-Ouest britannique lors de la crise. Cela est nécessaire dans une région qui repose beaucoup sur le tourisme, mais pas que. La pêche et l’agriculture sont aussi deux secteurs importants de toute l’économie locale. "L'agriculture innove depuis des siècles et on le voit aujourd'hui avec l'émergence des agritech. L'investissement et l'innovation doivent s'accélérer si nous voulons vraiment prospérer économiquement”, affirme Paul Coles, directeur local de British Telecom.

Superfast Cornwall, un projet pour améliorer la vie rurale quotidienne
Comme d’autres pays européens, le Royaume-Uni s’est doté d’un plan pour le déploiement du numérique. 75 millions de livres ont été investies à ce niveau uniquement pour les zones rurales, dont la majeure partie des Cornouailles font partie. Cette action ambitieuse du gouvernement britannique a été de combler aussi une fracture numérique, puisque 17% des zones rurales n'avaient pas accès à Internet à haut débit en 2017. Pire encore, en 2011, une étude a montré que 20% des adultes vivant dans la région n’avaient jamais utilisé Internet.

Face à un tel constat, le projet Superfast Cornwall a été lancé la même année. Financé par le FEDER, British Telecom et les autorités locales des Cornouailles, ce projet vise à casser l’image de désert numérique (digital notspot) qui était donnée à la péninsule.
Pour le mener à bien, la plateforme iCornwall a été créée. Il s’agissait d’un groupe de représentants d’organisations locales, certes diverses, mais ayant un objectif commun: celui d’aider le plus grand nombre grâce aux outils numériques. Néanmoins, les tenants de ce projet ont bien compris que doter le territoire en infrastructures numériques décentes était central. Mais cela est loin d’être suffisant, notamment au regard de la composition sociologique des Cornouailles, où tous les habitants n’ont pas tous eu l’occasion d’utiliser les outils numériques dans leur vie. “Le problème est que la technologie va tellement vite que des gens sont laissés pour compte”, affirme Sandra Coak, employée au centre communautaire de Pendeen, un village côtier près de la ville de Penzance. C’est pour cette raison que des cours de numérique ont été dispensés de manière gratuite aux habitants des communautés locales. Durant plusieurs semaines, ces formations ont pu être suivies dans de nombreuses villes ou villages de la région, surtout par des personnes âgées.

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St. Agnes Heritage Coast, in Cornwall
Source: Pexels (image libre de droits)
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Le centre numérique de Pendeen, un petit village près de Penzance
Source: Superfast Cornwall

Ce type d’inclusion numérique va aussi au-delà de la simple formation des publics et de l’installation d’infrastructures efficaces. Les services municipaux, de la mairie à la bibliothèque, se sont transformés en lieux de rencontre numériques. Les habitants peuvent s’y rendre pour avoir accès à un ordinateur, et y faire par exemple des procédures administratives, ou encore l’utiliser à des fins récréatives. L’amélioration de l’accès à internet dans la région a aussi permis d’autres innovations, notamment liées à la santé.

L’Université de Plymouth, située dans une grande ville des Cornouailles du même nom, est très investie sur ces sujets croisés. Des études ont été faites pour voir les effets de la médecine numérique, notamment pour soigner des troubles psychologiques. A titre d’exemple, la e-santé a essayé de soigner les personnes atteintes de démence grâce à la robotique ou par une présence à distance de personnes qualifiées dans ces pathologies.

Entre succès et limites, des infrastructures numériques au service de l’économie locale
La crise sanitaire a aussi poussé la région à revoir son modèle, ou plutôt, à souligner ses réussites. "Si nous voulons vraiment reconstruire l'économie d'une manière qui ait le moins d'impact possible sur notre environnement, nous devons passer par le secteur des technologies", indique Paula Byers, la fondatrice de Digital Northern Devon. Selon elle, les infrastructures numériques qui ont été nettement améliorées - ou tout simplement construites - ont nettement compensé la différence de développement économique qui existait avec d’autres régions de Grande Bretagne. Des entreprises ont pu s’implanter dans le secteur, comme Jurassic Fibre, qui n’aurait pu s’implanter sans les projets d’infrastructures des dix dernières années. Ce dernier vise à fournir “une connexion haut débit de classe mondiale pour 300 000 locaux” d’organisations implantées dans le sud-ouest du pays.

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Localisation des Cornouailles dans le sud-ouest de l'Angleterre
Source: Wikipedia (image libre de droits)

Néanmoins, le choix de développer la fibre optique d’abord dans une région plutôt qu’une autre peut avoir des effets pervers. "Comme le déploiement des chemins de fer au 19e siècle a défini les gagnants et les perdants pour les cent prochaines années, le déploiement des réseaux de fibre optique jusqu'aux locaux fera de même au 21e siècle. Notre intention est que le Sud-Ouest soit l'un des gagnants”. C’est ce que soutient Michael Maltby, le PDG de Jurassic Fibre. Espérons que la fibre ne vienne pas mettre des territoires en concurrence en en laissant certains pour compte. Mais il est certain que les récents projets européens ont donné une valeur ajoutée certaine aux Cornouailles. La légère hausse de la population dans la région est notamment dûe, selon M. Maltby, à l’amélioration certaine de ses infrastructures numériques. En plus de l’image de carte postale que les Cornouailles offrent, elles sont en passe de faire les faveurs des populations des grandes villes alentour, à commencer par Bristol, la grande ville la plus proche avant Londres.

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Une vue sur Port Isaac (Royaume-Uni), un petit village au nord de Newquay.
Source: Pexels (libre d'utilisation)

Le Royaume-Uni a fait le choix d’aller vers une vision du numérique comme un besoin de base. Mais l’accès à Internet n’est qu’une face d’une même pièce, dont l’autre côté se doit de garantir une compréhension à ces outils. La composition démographique et la répartition géographique de la population des Cornouailles a forcé la région à se tourner vers le numérique pour surmonter des défis. Entre la fracture numérique et l’éloignement d’un grand nombre des grandes villes - et donc d’un accès décent à Internet, la péninsule a su rapidement se convertir en un modèle pour le reste du Royaume-Uni, mais qui reste “largement négligée” au sein de l’Union européenne.

Sources:

– European Network for Rural Development, Cornwall-UK, Steps towards a digital rural region, 2019

– Olivier Vergnault, Hannah Finch, “Why the South West’s tech sector has been a saviour of the Covid-19 crisis”, Business Live, 2020