EUSES 2021: un carrefour européen pour l'économie sociale 

Pendant deux jours, de nombreux acteurs et actrices de l’économie sociale sont venus se rencontrer en ligne lors du premier sommet européen qui portait exclusivement sur ce sujet. Plus de 5000 participants et participantes sont venus assister à cet évènement pionnier, diffusé depuis la ville rhénane de Mannheim. L’occasion a été aussi pour de nombreuses organisations de présenter leurs projets ambitieux et innovants, aux quatre coins du continent. Le Social Good Accelerator en faisait partie, notamment pour présenter nos nouveaux chantiers.

Le Social Good Accelerator était de la partie, notamment pour présenter ses nouveaux projets.

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Les deux présentateurs du EUSES, le 27 mai 2021
Source: EUSES, Stadt Mannheim (screenshot)

L’évènement était attendu depuis plusieurs mois, reporté en raison du contexte sanitaire. La présidence allemande du Conseil de l’UE a fait le choix de le tenir dans la ville de Mannheim, qui s’est vue chargée de l’organisation de ce sommet de taille.
D'importantes personnalités européennes ont été invitées à s'exprimer à cette occasion, telles que Mme Manon Aubry et M. Sven Giegold (membres de l'Intergroupe parlementaire sur l'économie sociale), Mme Jeanne Barseghian (maire de Strasbourg), M. Thierry Breton (Commissaire au Marché intérieur) et surtout M. Nicolas Schmit (Commissaire à l'Emploi et aux Droits sociaux). Le sommet a permis au commissaire de présenter la feuille de route du premier plan d'action européen pour l'économie sociale.
En effet, la Commission européenne a lancé une consultation ouverte le mois dernier pour préparer cette feuille de route, à laquelle le SOGA a participé et détaillé ses propositions sur la transition numérique et sur une économie plus collaborative.

Les propositions de l'association ont été élaborées grâce à nos partenaires, en particulier M. Michel Bauwens, qui nous a fait l'honneur de nous accorder un entretien. Ces recommandations ont également aidé le comité scientifique à faire évoluer sa réflexion sur la suite de notre travail de recherche.

Une première conférence intitulée "Étude sur la coopération entre les secteurs social et numérique
Lors d'une présentation accordée au SOGA lors du sommet, M. Emmanuel Rivat (Agence Phare, France), qui préside le comité, a présenté les travaux qu'il a menés précédemment pour l'association. Il a également détaillé ses hypothèses et pistes de recherche pour ce deuxième chapitre, qui portera sur les nouveaux modèles d'économie contributive en Europe. M. Nuno Comando (Casa do Impacto, Portugal) a présenté ses travaux sur le rapprochement des secteurs numérique et social pour créer de la valeur ajoutée. L'occasion était de prendre des exemples innovants lancés par cette organisation portugaise pour mettre en œuvre des solutions numériques inclusives.

Donnée ouverte, no-code et secteur social
Le sommet a été l'occasion pour le SOGA d'inaugurer son tout nouvel outil, le Social Tech Atlas. Il s'agit d'une cartographie interactive de plus de 1000 acteurs européens qui soutiennent les organisations de l'économie sociale dans leur transition numérique, ainsi que des organisations offrant des services numériques alternatifs ouverts ou de pair à pair.
Cet outil open-source a été conçu grâce à l'aide de nos partenaires, qui ont travaillé à nos côtés. M. Erwan Kezzar (>Contournement>, France) et M. Sander Van der Waal (Waag, Pays-Bas) ont présenté l’intérêt de l’open-source pour le secteur social, ainsi que leur précieux travail sur la conception d’une application mobile et web pour cet Atlas. Mme Patricia de la Garza Revilla (Quiddity, France) a détaillé l’intérêt et l’importance pour une organisation de se muer en fournisseur de données ouvertes, qui permettrait d’aller vers une économie plus collaborative. M. Víctor Meseguer (Social Economy Europe, Espagne) a détaillé le rôle clé du travail de son organisation dans la construction de politiques européennes liées à l’économie sociale et de sa mise à l’agenda rapide et nécessaire.

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Lancement du Social Tech Atlas avec les membres de l'association, lors de l'EUSES, le 26 mai 2021
Source: EUSES, Stadt Mannheim, Social Good Accelerator (screenshot) 
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Jeanne Bretécher et d'autres intervenants européens lors d'une conférence de l'EUSES organisée par l'OCDE, le 27 mai 2021
Source: EUSES, Stadt Mannheim (screenshot)

La transition numérique pour les organisations à lucrativité limitée
Dans le cadre du sommet de Mannheim, une autre conférence organisée par l'EESC a été l'occasion pour la présidente de l'association, Mme Jeanne Bretécher, d’intervenir sur ce que le SOGA préconise pour une meilleure transition numérique. Elle a notamment souligné le problème de l’accès inégal aux aides publiques, celui lié aux barrières culturelles freinant la coopération intersectorielle, et celui lié au manque de compétences des acteurs de l’économie sociale.

L'opportunité a aussi été de souligner les actions à prioriser par les pouvoirs publics nationaux et européens pour faciliter la transition numérique des entreprises avec un panel d'intervenants originaires de Finlande ou l'Italie. Cela se ferait idéalement par la mise en place de conditions idéales de coopération pour une économie sociale collaborative et numérique. Ensuite, la montée en puissance des communs numériques a été soulignée et préconisée pour être mise au coeur du plan de relance. Dans un dernier point, la présidente de l’association est revenue sur la nécessité de démocratiser l’acculturation numérique et de faire monter l’économie sociale en compétences.

Ensuite, la présidente de l’association est revenue sur les outils, les technologies et les conditions clés pour favoriser la transition numérique des organisations sociales. Dans une démarche inclusive, le Social Good Accelerator fait ici le choix de ne pas parler uniquement d’entreprises à lucrativité limitée, mais bien d’élargir le spectre de son champ d’action à l’ensemble des structures qui oeuvrent pour le bien commun..

En effet, il y a pluralité de configurations existantes dans l’économie sociale. Cela nous pousse à soutenir et à accorder à un accès équitable aux fonds liés à la transition numérique de l’économie sociale, et ne pas les cantonner exclusivement aux PME classiques. Il semble important de garantir la numérisation de produits et de services pour tous les usagers afin d’améliorer les performances globales des organisations. Il s’agit d’une véritable question de résilience à laquelle les pouvoirs publics doivent répondre, « grâce à l'étendue unique des compétences qui leur sont conférées dans le cadre de leurs mandats ».

European flags
Le bâtiment Berlaymont de la Commission européenne à Bruxelles, en Belgique
Image libre de droits

Par ailleurs, la question des investissements effectués vers les acteurs du changement social numérique est cruciale. Ces derniers sont notamment ceux impliqués dans l’éducation, l’emploi numériques ou encore la requalification et le perfectionnement de modèles équitables. A l’heure actuelle, sans modèle alternatif solide face aux Etats-Unis et à la Chine, remédier à des questions sociales semble chimérique. Cela est d’autant plus important au regard de la montée croissante des inégalités, qui est au plus fort depuis des décennies dans les pays de l’OCDE. C’est la raison pour laquelle la présidente de l’association a soulevé les trois aspects principaux qui, selon nous, définissent la transformation numérique:

Un véritable problème d'accès aux ressources allouées par les pouvoirs publics
Alors qu'il y a près de 100 millions de personnes bénévoles dans l’UE, un problème formulation et d'un manque d'inclusivité dans la manière dont les aides publiques sont conçues est bien visible. La plupart des financeurs institutionnels, publics comme privés, ciblent les projets avant les moyens structurels et la gestion du changement. Or, la transformation numérique implique des investissements structurels en matériel, en logiciels mais aussi et surtout en formation - que ce soit pour les salariés ou les bénévoles concernés.

Il y a aussi un problème culturel, lié à celui d'une certaine demande
Les conclusions du premier chapitre d’une étude menée par notre association furent claires. Les valeurs de l'économie sociale semblent parfois incompatibles avec celles des producteurs de produits et services de l'économie numérique. Il existe donc une barrière culturelle très forte, doublée d'une barrière générationnelle. Cela s’explique en partie par des préjugés ainsi que par le manque de clarté sur la gamme de produits et services alternatifs compatibles avec les valeurs des organisations (libres, ouvertes, réellement collaboratives) et réellement accessibles aux néophytes (à l'instar du nouveau marché « no code »).

Un manque de compétences numériques parmi les acteurs de l'économie sociale
Bien que le numérique représente une réelle opportunité pour les organisations de l'Economie Sociale, les commandes ou les budgets publics alloués aux organisations du secteur étaient largement insuffisants par rapport aux défis à relever. Dans un cadre de plan de relance marqué par la résilience des populations, ces carences ont un impact direct sur les publics de ces organisations.

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Vue panoramique de la ville de Mannheim, en Allemagne
Source: EUSES, Stadt Mannheim (screenshot)

Le Sommet de Mannheim a été un véritable succès pour l’association, qui a su montrer l’intérêt d’une meilleure digitalisation pour le secteur de l’économie sociale. De nombreuses organisations ont pu en rencontrer d’autres, tout en présentant des projets ambitieux et innovants. L’occasion a été pour le Social Good Accelerator de faire de même, notamment pour mettre ses idées sur le devant de la scène européenne. Par son caractère exclusivement en ligne, ce sommet a aussi montré les possibilités de résilience existantes dans le contexte actuel, ce qui a été souligné dans la feuille de route du plan d’action à l’économie sociale. Rendez-vous en novembre pour suivre de près sa publication finale. 

Sources:

– Michel Bauwens, Vasilis Kostakis, Manifeste pour une véritable économie collaborative : vers une société des communs, Editions Charles Léopold Mayer, Paris, 2017, 112 pages

-Marieke Huysentruyt, How European Governments Can Help Spur Innovations for the Public Good, Stanford Social Innovation Review, Stanford, 2021