
Vers un statut européen pour les organisations à but non lucratif — Social Good Accelerator
Économie sociale : bientôt un statut européen pour les organisations à but non lucratif transfrontalières ?
Les formes juridiques les plus courantes d’organisations à but non lucratif (OBNL) en Europe sont les associations et les fondations.
Si ces deux statuts sont les plus clairement définis dans les différents codes juridiques européens, ils sont loin d’être les seuls à exister dans les États membres.
Le Comité des affaires juridiques (JURI) du Parlement européen a récemment publié un rapport de référence sur ce sujet, ouvrant la voie à de nouvelles avancées législatives pour la reconnaissance européenne des organisations à but non lucratif transfrontalières.
Tour d’horizon des constats et des solutions envisagées.

Réunion informelle des ministres de la Justice et des Affaires intérieures à Ljubljana, en Slovénie. Le président de la commission JURI, M. Adrián Vázquez Lázara, a également participé à cette réunion.
Source: JURI Committee Press, Twitter
Vers une utilisation plus large des statuts existants dans l’économie sociale
À mesure que l’économie sociale gagne du terrain en Europe, notamment en Europe de l’Ouest, des formes juridiques encore peu exploitées jusqu’ici se développent.
Les mutuelles et coopératives, par exemple, ne sont pas nécessairement à vocation lucrative : elles poursuivent un objectif de neutralisation des formes juridiques au profit d’une finalité sociale ou collective.
Dans plusieurs pays, des statuts innovants ont vu le jour :
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En France, le label ESUS (Entreprise solidaire d’utilité sociale) reconnaît les entreprises à mission sociale et à redistribution limitée des bénéfices ;
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En Italie, le statut d’entité du tiers secteur (ETS) offre des avantages comparables.
Ces législations témoignent d’un mouvement vers la reconnaissance juridique du “tiers secteur” comme pilier à part entière de l’économie européenne.
Elles s’accompagnent souvent d’un régime fiscal favorable, incluant la déductibilité des dons et l’exonération partielle de certaines taxes.
La place du non-lucratif dans les traités européens et la jurisprudence
L’intégration des organisations à but non lucratif dans le droit européen n’est pas nouvelle.
Les traités européens les reconnaissent explicitement :
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Article 54(2) du TFUE,
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Article 11(2) du TUE, qui évoque leur “rôle fondamental dans la vie démocratique de l’Union”.
Mais ce sont surtout les arrêts de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) qui ont précisé ces droits :
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Commission européenne c. Autriche (C-10/10, 2011) : suppression des obstacles à l’activité transfrontalière des OBNL ;
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Ambulanz Glöckner (C-475/99, 2001) : égalité de traitement entre structures à but lucratif et non lucratif face au droit de la concurrence ;
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Italie Emergenza (C-424/18, 2019) : reconnaissance de dérogations spécifiques dans la commande publique.
Malgré cette reconnaissance ancienne, les OBNL ne disposent toujours pas d’un statut spécifique en droit européen de la concurrence.
Pourtant, les associations et fondations plaident depuis plus de 30 ans pour sa création.
Les options législatives envisagées pour un statut européen
Face à cette impasse, le Parlement européen a adopté une résolution le 5 juillet 2018 demandant à la Commission européenne de proposer un cadre juridique pour les entreprises sociales et solidaires (référence : 2016/2237).
Trois pistes principales sont aujourd’hui à l’étude :
1️⃣ Créer un statut juridique européen complet
Ce modèle s’inspirerait de l’ancienne Société européenne (SE).
Problème : il nécessiterait une décision unanime du Conseil (article 352 TFUE), un obstacle politique difficile à franchir.
2️⃣ Recourir au mécanisme de coopération renforcée
Cette option permettrait à un groupe restreint d’États membres d’adopter le statut sans attendre l’unanimité.
Mais elle risquerait de créer une Europe à deux vitesses et de complexifier la reconnaissance mutuelle entre pays.

Bâtiments de la Cour de justice de l’Union européenne à Luxembourg, Luxembourg
Source: Pixabay (image free of rights)
3️⃣ Créer un label européen pour les OBNL (option privilégiée)
La solution la plus soutenue par le Comité JURI consisterait à créer un label harmonisé au niveau européen, attribuable aux organisations à but non lucratif de tout État membre.
Ce label permettrait :
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la reconnaissance automatique dans tous les pays de l’UE ;
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l’accès aux mêmes droits, avantages fiscaux et obligations que les structures nationales ;
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et la simplification administrative des activités transfrontalières.
Ce système s’inspirerait des labels français et italiens (ESUS, ETS), en les transposant à l’échelle européenne.
Une étape vers une reconnaissance politique et économique du secteur
Selon le rapport du Comité JURI, cette troisième voie est la plus réaliste et alignée avec les objectifs européens de simplification, de transparence et de développement de l’économie sociale.
Pour le Social Good Accelerator, cette orientation représente une étape encourageante vers la reconnaissance d’un statut européen de l’économie sociale, permettant aux structures à but non lucratif de coopérer plus facilement au-delà des frontières.
L’adoption du Plan d’action européen pour l’économie sociale (2021) et les travaux conjoints de la Commission et du Parlement confirment cette dynamique.
L’enjeu est désormais de passer des intentions à la mise en œuvre, pour que le secteur associatif et coopératif bénéficie pleinement d’un cadre juridique européen cohérent et équitable.

M. Nicolas Schmit, commissaire européen chargé de l’emploi et des droits sociaux, qui présentera en novembre le plan d’action de l’UE pour l’économie sociale.
Source: CC-BY-4.0: © European Union 2019 – Source: EP
FAQ — Vers un statut européen des associations et fondations
Pourquoi créer un statut européen pour les OBNL ?
Aujourd’hui, les organisations à but non lucratif doivent se recréer juridiquement dans chaque pays européen où elles opèrent.
Un statut ou label européen permettrait de simplifier leurs démarches, de réduire les coûts et de favoriser la coopération transnationale.
Quels pays disposent déjà d’un statut spécifique ?
La France (ESUS) et l’Italie (ETS) ont déjà adopté des statuts nationaux reconnus pour les entreprises sociales et les associations à impact.
Ces modèles inspirent la réflexion européenne sur la création d’un label commun.
Quel rôle joue le Parlement européen dans ce dossier ?
Le Comité JURI (Affaires juridiques) du Parlement européen pilote les travaux sur la reconnaissance juridique des organisations à but non lucratif transfrontalières.
Il milite pour un cadre simplifié, juridiquement sûr et compatible avec les législations nationales.
En quoi ce label serait-il avantageux ?
Un label européen offrirait :
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une reconnaissance immédiate dans tous les États membres,
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un accès équitable aux subventions et marchés publics,
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et une visibilité accrue pour les acteurs de la société civile opérant à l’échelle européenne.
Quelle est la position du Social Good Accelerator ?
Le SOGA soutient cette démarche, considérant qu’elle contribue à renforcer la cohérence du modèle social européen.
Elle faciliterait la coopération entre organisations solidaires et encouragerait la création de partenariats transnationaux durables.